Le réglage du réseau
Pour ce qui concerne la tension, nous verrons qu'il s'agit d'un problème essentiellement local (compensation). Il faut limiter les transits de réactif dans le réseau. On admet des plages de variations de l'ordre de 5 à 10% selon le niveau de tension et le type de clientèle.
Par contre la fréquence (liée à la vitesse de rotation des alternateurs) est un problème intéressant l'ensemble d'un système électrique interconnecté. Tout déséquilibre entre la production et la consommation entraîne une variation de vitesse (déséquilibre entre le couple moteur fourni par la turbine et le couple résistant correspondant à la charge du réseau) et donc de fréquence. La fréquence doit être tenue dans une plage de +- 1 Hz. (pertes transformateurs, synchronisation horloges, stabilité des machines, ...).
Ce réglage concerne des « zones de réglage ». C'est-à-dire la plus petite partie du réseau dotée d'un système réglage fréquence puissance, une zone de réglage coïncide aujourd'hui généralement avec un pays. Une zone de réglage doit être capable de maintenir l'échange de puissance à la valeur programmée.
Dans l'ensemble des zones de réglage, regroupés en « bloc de réglage », interconnectés au niveau européen (synchrone), les responsabilités sont établies. La Belgique représente 3,7%, la France 23,8%, l'Allemagne 27,5%, etc...
Une réserve tournante (spinning reserve en anglais) (machine tournant à vide ou à charge réduite) est la base de la philosophie du contrôle de la fréquence.
Réglage primaire (les premières secondes aprèsperturbation) :
Sans disposition particulière, si le couple résistant (consommation) augmente (diminue), la fréquence chute (augmente) pour trouver un nouvel équilibre. Ce n'est pas admissible, il faut donc une action automatique (menée par les régulateurs de vitesse de chaque centrale) sur les organes d'admission du fluide moteur des turbines pour maintenir la fréquence. Cette action (réglage primaire) peut varier dans de grandes proportions suivant la nature des charges et des turbines. Le réglage primaire répartit les fluctuations de charge au prorata des capacités nominales du groupe en pondérant par un gain (notion de statisme « s » compris entre 2 et 6%) :
On définit l'énergie réglante primaire d'un réseau comme le rapport entre la pointe de charge du réseau et la fréquence nominale, divisé par le statisme. On obtient une valeur en MW/Hz. Pour le réseau UCTE[1], cette valeur est de 35000 MW/Hz, ce qui veut dire que sans réglage primaire il faut une perte de 35000 MW pour provoquer un écart permanent de fréquence de 1 Hz. En cas de perturbation, les pays interconnectés synchrones participent pendant 15 minutes au
sauvetage de la situation, chaque pays agissant au prorata de son « importance ». Pendant cette période le régime reste perturbé (la fréquence est écartée de sa valeur de consigne), les flux de puissance entre zone ne sont plus conformes aux flux programmés, il y a risque de dépasser des charges permanentes admissibles (d'où la durée de 15 minutes qui est grosso modo une constante de temps thermique d'échauffement des conducteurs aériens).
En cas de chute de la fréquence en deçà de 49.8 Hz une politique de délestage de charge et un démarrage automatique de turbines à gaz est enclenché, plus bas on commence à délester certains clients industriels et la clientèle domestique.
Réglage secondaire (endéans les 15 minutes après perturbation)
Ce réglage, également automatique, agit après le réglage primaire (c-à-d après environ une minute). Il a pour but de rétablir la fréquence de référence. C'est important notamment pour le contrôle des puissances échangées sur les liaisons d'interconnexion entre réseaux à gestion séparée. En effet les transits évolueraient au prorata des inerties des réseaux pour se stabiliser à une nouvelle valeur fonction des énergies réglantes primaires de chacun des réseaux interconnectés.Il est centralisé (émis par un centre de conduite), agissant sur plusieurs groupes internes à la zone perturbatrice. On définit cette fois l'énergie réglante secondaire.
Réglage tertiaire (dans les 15 à 30 minutes après perturbation)
Il faut procéder à un réajustement des programmes de fonctionnement des centrales (en prenant en compte les coûts de production marginaux) pour rétablir un optimum économique. Ce réglage est également centralisé au sein de la zone initialement en défaut. Ce réglage a pour but de rétablir l'optimum économique et aide à reconstituer la réserve secondaire. En résumé, sur un périmètre (c'est-à-dire un ensemble de nœuds d'injection et de soutirage),
la conduite du réseau repose donc sur ce système de réglage qui sans cesse cherche à rétablir l'équilibre : P (production) = D (demande).
Jusqu'ici, nous nous sommes placés dans le cas d'un système électrique « isolé » ; examinons maintenant ce que devient ce principe de réglage lorsque plusieurs zones de réglage sont interconnectées. Pour le réglage primaire, à partir du moment où il s'agit d'interconnexions synchrones, comme la
fréquence est la même sur l'ensemble du réseau interconnecté, cette première boucle d'adaptation va « naturellement » être globale, c'est-à-dire fonctionner en cherchant en permanence à équilibrer Σ productions = Σ demandes.
C'est d'ailleurs là que l'on trouve l'un des intérêts de l'interconnexion : plus le système est étendu, plus la puissance de réglage est importante et du coup les marges nécessaires moins importantes pour chaque zone interconnectée que si cette dernière était isolée (fruits de la mutualisation des risques). La qualité de la fréquence s'en trouve améliorée, sous réserve évidemment que chaque zone contribue honnêtement à fournir sa part de la puissance de réglage et ne se repose pas sur les autres. C'est au niveau du réglage secondaire que l'interconnexion de plusieurs zones de réglage va introduire des différences.
Example :
imaginons un incident qui fait perdre à une zone 1 000 MW de production ; le réglage primaire fonctionne et « rattrape » cet écart de 1 000 MW en augmentant d'autant la production sur l'ensemble des centrales réglantes du réseau interconnecté, ce qui peut conduire à ce que, par exemple, à la fin de l'effet de ce réglage, la production a augmenté effectivement de 200 MW dans la zone concernée par l'incident, et de 800 MW dans le reste du réseau interconnecté. On a du coup mis en place une « importation » de 800 MW.
Ce déséquilibre est autorisé s'il ne se prolonge pas trop longtemps, car sinon il conduirait à une situation où, de façon durable, des producteurs fourniraient pour des consommateurs avec lesquelles ils n'ont pas de contrat, et où il faudrait alors introduire des systèmes de compensation.
Le réglage secondaire a du coup un deuxième rôle : celui d'absorber cette différence (de 800 MW dans l'exemple), de façon à ramener effectivement chaque zone de réglage à son équilibre production = demande.
C'est donc au niveau de ce réglage que l'on va pouvoir aussi introduire des déséquilibres qui vont permettre de mettre en place des échanges entre zones, c'est-à-dire que l'équilibre recherché ne sera plus production (P) = consommation (C) pour chaque zone, mais bien production = demande,
où la demande est égale à la production augmentée (algébriquement) du solde des exportations et importations de cette zone avec les autres qui lui sont interconnectées.
Des principes techniques à la forme des transactions pour les utilisateurs
Ces principes techniques ont des conséquences importantes sur la mise en place de transactions commerciales, et introduisent une différence fondamentale, pas toujours bien comprise, entre les modalités qui permettent d'être raccordé à un réseau (sous-entendu à l'intérieur d'une zone de réglage) et ainsi d'effectuer des injections ou des soutirages, et les modalités pour transporter de l'énergie d'une zone de réglage à une autre.
Dans le premier cas, notamment pour les soutirages, il suffit de convenir avec le gestionnaire de réseau d'une puissance maximale (puissance de souscription), de s'acquitter bien entendu du péage lié à ce raccordement, pour être « libre » de soutirer à tout moment tout ou partie de cette puissance, sans déclaration ou annonce préalable. En revanche, dans le cas d'un échange entre deux zones, il faut que les deux gestionnaires de réseau concernés puissent programmer leurs réglages secondaires : ce qui a pour conséquence que les échanges doivent eux-mêmes être déclaré à l'avance. Une importation ou une exportation a du coup un caractère plus « virtuel » : c'est une déclaration, non liée à un point d'injection et un point de soutirage puisqu'il suffit de désigner les zones de réglage d'injection et de soutirage, sur la base de laquelle les gestionnaires de réseau s'engagent à mettre en place la transaction.
Aujourd'hui, la programmation des échanges se fait par pas horaire avec un incrément minimal de puissance de 1 MW : ce qui signifie que, en général la veille pour le lendemain, les acteurs qui souhaitent mettre en place des exports ou des imports doivent déclarer aux gestionnaires de réseau leur programme, soit une chronique de 24 valeurs exprimées en mégawatts (MW).
L'ensemble des déclarations individuelles faites à chacun des gestionnaires de réseau est sommé (algébriquement) et le solde est comparé entre les gestionnaires : il faut qu'il soit égal pour que les deux gestionnaires conviennent du programme global d'échange entre les deux zones pour la journée du lendemain. Les décalages peuvent provenir d'erreurs, d'oublis, de doubles déclarations, etc.
Chemin contractuel et « flots parallèles »
À ce stade, nous n'avons fait aucune hypothèse sur la position géographique respective des deux zones de réglage entre lesquelles un échange est mis en place ; cette hypothèse n'est en effet pas nécessaire dans tout ce qui précède. Néanmoins, d'une part parce qu'historiquement les échanges
ont commencé à se mettre en place entre pays adjacents, d'autre part pour simplifier les tâches de vérification entre couples de gestionnaires de réseau, il est d'usage actuellement que les échanges soient mis en place entre pays adjacents.
Ce choix a pour conséquence l'introduction de la notion de chemin contractuel ou chemin commercial : toute transaction qui porte sur des zones de réglage non adjacentes (de la Belgique à l'Espagne par exemple) devra être mise en place sous forme d'une suite de transactions entre pays contigus (en l'occurrence : Belgique-France, puis France-Espagne). Il faut noter que cette notion de chemin contractuel n'est pas univoque, on peut en général construire plusieurs chemins contractuels pour un même couple (zone d'origine, zone de destination).
Cette difficulté a été accentuée par le développement du trading : alors qu'auparavant les échanges étaient effectivement conclus entre compagnies intégrées « adjacentes », l'apparition de traders opérant à l'échelle européenne a bouleversé ce paysage, rendant nécessaires des échanges d'informations renforcés entre les gestionnaires de réseau. Pour se persuader de cette complexité du point de vue des gestionnaires de réseau.
Tout ceci ne poserait aucun problème si les réseaux, par leurs limitations techniques, n'introduisaient pas des contraintes sur les possibilités d'échanges : mais bien entendu, que ce soit sur les lignes d'interconnexion elles-mêmes ou bien sur d'autres parties du réseau, les échanges qui, in fine, entraînent une recomposition du plan de production en Europe, induisent des changements des flux d'énergie qui vont buter sur les limites de courant admissibles dans les ouvrages, et, plus généralement sur les contraintes pour conduire en sécurité ce réseau. C'est ce que l'on appelle la création des phénomènes de congestion, situation où la demande d'échanges est supérieure à la capacité de transport du réseau interconnecté .
Du coup les gestionnaires de réseau sont conduits à annoncer ou même à publier ces capacités. Elles sont donc aujourd'hui calculées selon le modèle décrit plus haut, c'est-à-dire sous forme de capacités d'échange bilatérales pour des paires de zones de réglage adjacentes. La principale difficulté dans le calcul de ces capacités réside dans les hypothèses qu'il faut prendre, et qui se traduisent in fine par un risque que le gestionnaire de réseau devra gérer. Pour se persuader de cela, il faut tout d'abord comprendre que les flux induits par la mise en place d'une transaction peuvent être très différents de la transaction elle-même. Cette conséquence des lois de Kirchhoff crée ce que l'on appelle des « flux parallèles », c'est-à-dire des charges supplémentaires sur le réseau a priori inconnues du gestionnaire de réseau concerné (sauf à être informé par, dans le cas de cet exemple, les gestionnaires suisses et allemands).
Du coup, la détermination d'une capacité dans une direction donnée (par exemple, de la France vers la Belgique) dépend bien entendu des échanges prévus entre France et Belgique, mais aussi des échanges entre France et Allemagne, et au-delà, si l'on veut être rigoureux, de l'ensemble des transactions mises en place en Europe qui vont avoir un effet sur la charge des lignes. C'est ce phénomène qui rend difficile la détermination des capacités, et d'autant plus difficile que l'on recule l'horizon auquel on souhaite les évaluer
Interconnexion des réseaux
Le réseau eurasien
- le réseau UCTE[1] (Union pour la Coordination du Transport de l'Energie Electrique) France, Allemagne, Portugal, Espagne, Italie
Slovénie et depuis 2004, les pays de l'ex CENTREL (Pologne, Républiques Tchèque et Slovaque, prêtes.
Europe/Asie 4 réseaux gérés indépendamment (tension, fréquence) et interconnectés par(Union pour la Coordination du Transport de l'Energie Electrique)
France, Allemagne, Portugal, Espagne, Italie, Danemark, Grèce, Autriche avec Slovénie et depuis 2004, les pays de l'ex- Yougoslavie) auquel est aujourd'hui relié le réseau CENTREL (Pologne, Républiques Tchèque et Slovaque, Hongrie). La Bulgarie et la Roumanie sont Europe/Asie 4 réseaux gérés indépendamment (tension, fréquence) et interconnectés par (Union pour la Coordination du Transport de l'Energie Electrique) (Benelux, , Danemark, Grèce, Autriche avec en plus la Suisse, aujourd'hui relié le réseauHongrie). La Bulgarie et la Roumanie sont prêtes.
L'UCTE[1] rassemble donc les TSO (Transmission system operators) de ces pays qui érigent des règles d'interconnexions car plus on s'étend plus les problèmes deviennent difficiles.
- le réseau NORDEL (Norvège, Suède, Finlande, Islande), relié (sauf Islande) au réseau UCTE[1] via une liaison DC Danemark-Norvège et Danemark-Suède, une liaison DC existe également entre les Pays-Bas et la Norvège.
- le réseau EEC (Royaume Uni, Irlande) relié au réseau UCTE[1] via une liaison DC AngleterreFrance.
- le réseau IPS/UPS Unified Power System/Interconnected Power systems : pays du CIS et de la mer Baltique = Lituanie, Lettonie, Estonie, Arménie, Azerbaijan, Bélarussie, Georgie, Russie, Moldavie, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan, Ukraine, Uzbekistan
