Extrait à analyser
Faites une analyse linéaire du texte en suivant les étapes suivantes:
1- Identifier le texte et situer dans son contexte (préciser le sujet– présenter l’auteur, quand le texte a-t-il été rédigé ? De quoi le texte parle-t-il ? Quel est son objectif ? Quelles sont vos premières impressions à sa lecture ?)
2- Préciser de quel type de texte s’agit-il ?
*la situation d’énonciation (qui parle à qui ? quand ? où ? comment ?
*Le système d’énonciation (discours/récit)
*Les marques d’énonciation (le champ lexical dominant – les pronoms et les temps verbaux employés – la structure des phrases et la présence des figures de styles)
*Le point de vue du narrateur (ou focalisation).
Texte
Des femmes voilées, lentement, s’avancent au son des flûtes de roseau. A petit pas, elles cheminent ; statuettes drapées de robe aux longs plis, les yeux baissés, elles élèvent leurs doigts légers semblant mimer le battement d’ailes. (…) Les danseuses suivent l’inspiration que fait naître en elle l’heure présente, où la nature appelle tout à la vie, le chef qui regarde, l’hôte, fier cavalier que toutes les femmes admirent, l’homme tendrement aimé. Elles dansent, et, pour une fois, extériorisent leur âme assoiffée de confidences. Les yeux mi-clos, le visage calme, toutes les passions en elles gémissent ou chantent par la seule et divine harmonie du geste.
Les musiciens accélèrent le rythme et le rompant brusquement sur une note longue et plaintive, qui reste longtemps vibrante et trouble les amours mystiques du silence et de la nuit. (…)
— Que préfères-tu maintenant ? la danse devant Dieu, celle des mains, celle du sabre, celle des voiles ou encore celle du guerrier ?
— Celle de l’homme de poudre !
Ben Mostapha fait signe aux assistant de passer derrière les tentes et de laisser le champ libre. Deux ombres s’approchent, se profilant sur les étoiles si basses qu’on dirait les feux de quelque douar dispersé dans le lointain sombre. L’homme, le visage à demi voilé, caresses d’un air triomphant son long moukala (fusil), une femme au pas léger le suit. Lui, fier, tourne autour de sa conquête. La danseuse, renversée, les yeux fermés, les dents luisantes, semble pâmée sous l’ardent désir. L’homme veut l’étreindre, mais la tentatrice souple se dérobe ; seul, glisse entre les doigts tendus du guerrier un envol de parfum qui le grise.
Etourdi un instant, il se redresse grandi, farouche, et s’éloigne le regard en arrière. La femme revient, les bras ouverts, obsédante. Séduit à nouveau, l’homme lance dans l’air, où vibre la note aiguë des flûtes, son fusil en signe d’allégresse.
Côte à côte, maintenant, têtes penchées, bras enlacés, pour eux, l’heure de l’amour semble venue, mais l’inconstante dénoue l’étreinte et recommence l’éternelle comédie. L’homme, cette fois, les traits altérés, arme son fusil, un éclat jaillit, la poudre a parlé.
Semblable à un fantôme, la danseuse a fui. Il a tué son rêve et, à sa poursuite, court dans la nuit.
Mohamed BEN SI AHMED BENCHERIF, Ahmed Ben Mostapha, goumier. 1920