I / Algérie

 

            Après les deux générations littéraires, celle des fondateurs durant la période coloniale et celle du désenchantement et de la rupture, la littérature algérienne de langue française s’affirme à travers un courant littéraire animé par une troisième génération  qui  lui redonne un nouveau souffle durant une période des plus critiques qu’a connu le pays. Il s’agit des deux dernières décennies (1990 et 2000) qui, paradoxalement, ont connu une grande profusion romanesque.

 

            Il est indispensable de mettre la lumière sur une écriture dictée par des circonstances exceptionnelles, et essayer de détecter les affinités et les différences significatives entre les textes dit « de l’urgence » au cours des années quatre-vingt dix, et ceux qui leur ont succédé, de « l’après-urgence », depuis les années deux mille jusqu’à nos jours.

 

            Cela dit, ce courant littéraire, enraciné dans la vie de la société algérienne et de son Histoire, est caractérisé, dans un premier temps, par la simultanéité des récits avec les événements  de violences qui y sont romancés, et par la manifestation de préoccupations scripturaires s’adaptant au référent historique, dans un deuxième temps.

 

I.1   Aspects de  la littérature algérienne des années 90  : renouvellement, évolution et dynamique

 

            Quarante ans après la fin de la guerre d’indépendance, mettant en fin à plus d’un siècle de colonisation française, une série de massacres et de tueries débute en 1992 en Algérie. Cette situation tragique eu lieu suite à, d’abord à l’approbation de la nouvelle constitution par le referendum  qui adopte le pluralisme politique en février 1989. Par la suite, au cours des élections législatives de 1992, une grande partie de la population frustrée par le désenchantement des années post-indépendance et du monopole étatique, se rassemblent derrière des partis qui s’annoncent comme partis islamiques, parmi lesquels le Front Islamique du Salut (FIS). Ce parti étant arrivé largement en tête lors du premier tour des élections, était sur le point de remporter une victoire majoritaire au deuxième tour. Pour empêcher celle-ci, le pouvoir annule le deuxième tour. Les élus du FIS réagissent immédiatement en  faisant appel à l’opinion publique. L’armée intervient, annule les élections et dissout le FIS, ce qui engendre et précipite des confrontations sanguinaires opposant l’armée et le gouvernement aux groupes islamistes extrémistes. La confrontation devient une série d’interdits dictés à l’encontre des citoyens qui se retrouvent menacés dans leurs quotidiens et dans leurs libertés individuelles allant jusqu’au risque de l’élimination au moindre geste de refus ou de non adhérassions à leurs convictions. Lesdits  islamistes lancent leur machine de la mort en Algérie. Un conflit qui, selon l’historien Benjamin Stora, « a fait plus de 100 000 morts, selon les déclarations du président algérien Abdelaziz Bouteflika en juillet 1999. »[1]. Une machine fatale qui a choisi comme premières cibles les créateurs et l’élite intellectuelle du pays. En 1993, l’écrivain Tahar Djaout fut la première victime d’une série d’assassinats  d’intellectuels. Mais ironie du sort, c’est de la mort que la littérature algérienne sera animée d’une vie  et une vie nouvelle.

            La littérature algérienne d’expression française s’est toujours manifestée dans un mouvement loin d’être constant et statique, se refusant surtout de rester monotone dans ses choix thématiques comme dans son renouvellement esthétique. C’était d’abord celle des fondateurs, des classiques, marquée par la prise de conscience identitaire et la réflexion sociale à travers une littérature ethnographique suivie de celle du combat qui a caractérisé la période coloniale.

            Au lendemain de l’indépendance, les conditions socio-historiques imposent à une autre génération d’auteurs la réflexion sur les codes narratifs et les codes esthétiques. Cette recherche d’une écriture originale donne lieu à une littérature qui bouscule et heurte les habitudes du lecteur. Une écriture qui l’interpelle par la remise en question et la controverse.

            Un mouvement de renouvellement très perceptible fait figure d’une tendance littéraire dans laquelle une autre génération s’affirme en Algérie à partir des années quatre-vingt-dix s’engageant davantage dans la réalité présente, sociale et politique.

 

Les années quatre-vingt-dix sont, pour l'Algérie, synonymes d'une richesse en événements de tout ordre. Elles sont également fertiles concernant la littérature algérienne d'expression française qui, suite à une actualité souvent grave et tragique, a conduit à l'émergence d'une nouvelle vague d'écrivains qui ont fait suivre un renouvellement d'écritures en langue française. Une nouvelle génération affiche une vision très critique à l'égard de l'évolution sociale, religieuse et politique  en Algérie.

            D'une situation qui ne peut être qualifiée que de paradoxale, où suite à une série d'assassinats d'intellectuels algériens, suite aussi aux massacres des populations et aux déflagrations des bombes au cœur des villes, il y a eu, en Algérie, l'éclosion de toute une génération d'auteurs et la prolifération d'écrits  tous genres confondus. Un besoin urgent d'écrire est ressenti chez  les auteurs de cette génération qui opposent la plume à la balle et la raison à l'absurde.

            Renouant avec une dimension plus réaliste, « les enfants de l'amertume »[2] poursuivent le rôle de dénonciateurs, que fut un temps, celui des « enfants terribles »[3], par le truchement d'une écriture à dimension tragique, réaliste, surtout, par « un retour du référent » [4] comme le mentionne Charles Bonn.      Cette génération d'écrivains algériens d'expression française, se distingue nettement de l'itinéraire de leurs prédécesseurs dans la mesure où elle est marquée par des fluctuations particulières.

            Bien évidemment, le regard des auteurs change en fonction des bouleversements et des mutations que vit leur société, et leurs écrits ne peuvent être lus détachés de l'Histoire. Il s’agit essentiellement d’une littérature en prise avec l’actualité, donc grave, douloureuse et dénonciatrice.

 

    I.2  Littérature –dite- de l'urgence ou l’urgence d’un engagement

           

En Algérie, les événements d'octobre 1988 ainsi que le climat d'horreur et de violence de la décennie noire ont engagé la littérature algérienne dans le sillage d’un acte de témoignage[5], pour dire la violence et la dire dans  l'urgence qui semble être le passage obligé des auteurs ayant vécu le début des conflits et l’installation du malaise quotidien.  A ce propos, Farida Boualit précise qu’au sein de la production romanesque de cette période,

« La substance de ce dire (dire quoi ?), elle préexiste à "sa mise en dire", à sa mise en  écriture, autrement dit à sa "mise en forme"; car, pour ces écrivains, il ne s’agit pas dirions-nous pour paraphraser Roland Barthes, de mettre en question l’existence même de la littérature, mais de prétexter de la littérature pour attester de la véracité d’une expérience vécue, plus collective qu’individuelle. »

 

            Il est ressenti dans les textes des écrivains de cette période, et surtout dans leurs arguments justifiant l’écriture de ce qu’endurent le pays et le peuple, qu’ils partageaient une intention commune, celle d’apporter un éclairage ainsi que des appréciations sur les insoutenables événements pour contribuer  à  la sauvegarde de la mémoire collective. De ce fait, écrire implique impérativement l’acte de  dire, donc de témoigner, ce qu'atteste Assia Djebar par : «  rendre compte de la violence (…), du sang »,[6] ou comme le réclame Mohammed Dib [7], haut et fort, ne pas disjoindre écriture romanesque et responsabilité morale.

            Dans une thématique qui envisage le témoignage, cette écriture a apporté une remarquable production littéraire. Cette littérature, dite de « l'urgence », se justifie et s'explique par le fait qu'elle ne puisse se détacher  de l'actualité sanglante, a produit contre vents et marées plusieurs textes. Les exemples de Boualam Sansal, Malika Mokeddem, Salim Bachi, Maissa Bey, Yasmina Khadra…  pour ne citer que ceux-ci, laisseront à la postérité des romans édifiants. Des romans qui seront pour l'Algérie  les romans à venir…

Justement, à propos de cette écriture dite de « l'urgence » ou de témoignage, l'essayiste et romancier algérien Rachid Mokhtari, dans une synthèse thématique des principaux ouvrages de la décennie noire, voit, particulièrement, dans les romans de Yasmina Khadra le reflet de cette réalité infernale puisqu'il y a une contigüité temporelle entre l'auteur et ses témoignages romancés. Cependant, il réfute tranquillement l'appellation de littérature de « l'urgence » : « Les écrits abondants sous forme de témoignages bruts ou romancés ont été produits dans la tragédie, dans son déroulement même. Le processus est de même pour les fondateurs du roman algérien moderne. » [8]

 

Ainsi, il affirme que ce qu'on appelle écriture « d'urgence » relèverait d'un acte d'écriture déjà manifesté par les fondateurs du roman algérien : Mouloud Feraoun, Mohamed Dib, Mouloud Mammeri, Assia Djebbar…, acte d'écriture que la condition coloniale imposait. Certes, ce témoignage de leurs époques et de leurs sociétés a  été dépassé par la création de l'esthétique du roman algérien moderne nourri par un formidable réservoir de l'oralité. En effet les écrits des deux dernière décennies  seraient entrain de passer par le même itinéraire, qui d'une littérature « d'urgence » qu'a imposé le climat que font régné les extrémistes en Algérie, l'on parviendrait dans le futur à en déceler une esthétique propre à cette génération, et qui n'est que signe d'enrichissement, de renouvellement, d'un nouveau souffle dans l'esthétique du roman algérien.

Farida Boualit affirme que « La notion d’écriture d’urgence a été lancée par les écrivains algériens eux-mêmes pour mettre l’accent sur la concomitance des faits et de leur écriture, autrement dit l’exigence est de faire coïncider dans le temps le réel et la fiction »[9]. Elle réfute  toute forme de dévalorisation de cette écriture qui est loin d’être assimilée au sème de la prématurité et de l’excessive rapidité. En effet, la suspicion due à la coïncidence entre le temps de l’histoire et le temps de l’écriture a été remise en question par plusieurs écrivains[10] qui soutiennent vivement la valeur de cette écriture venue en adéquation avec la situation socio-historique algérienne officiellement en « état d’urgence », parce qu’il est évident que l’imminence des événements allaient engendrer l’imminence de leur écriture. C’est cette littérature, dite de l’urgence, qui a su et pu rendre compte de la gravité des événements.

En dépit de sa valeur d'immédiateté et d'actualité, si réagir parce que  inquiet relèverait d'une écriture dite de « l'urgence », nous nous interrogeons quelle serait le nom que porteraient les écrivains qui n'auraient fait aucun  effort scriptural face à ce nouveau Mal qui ronge le pays et dont les responsables, cette fois-ci, ne sont pas des conquérants, mais ses propres avortons qui mènent en Algérie une guerre contre l'Algérie ?

Cette génération aurait pu, littérairement, ne jamais naître et éclore sans ce choque idéologique qui a failli disloquer le pays, mais qui a également fait couler beaucoup d'encre. Une  situation de conjoncture pareille a certes, fait appel à une écriture de témoignage par des descriptions nues et presqu'en direct, elle est aussi refus, prise de position et dénonciation afin de donner sens à la brusque mouvance extrémiste.

Il s’agit, en effet, d’une fiction pure qui retraduit cette dimension du tragique à travers la souffrance de protagonistes impuissants, devant la fatalité de la violence ; cette dimension du tragique est aussi bien énoncée à partir d’autres genres : chroniques, autobiographies, essais, qu’à partir des relations des textes à leur co-texte, tel que défini par la sociocritique : ce qui accompagne le texte.

En effet, au sein d’une Algérie mouvementée par un état de violence qui a envahit brusquement le pays, les écrivains algériens n’envisagent pas de demeurer indifférents aux événements de leur époque. A l’égard de la première génération qui a fait preuve d’engagement littéraire pour dénoncer et combattre les atrocités de la colonisation, la nouvelle génération s’est engagée elle aussi à révoquer un autre malaise qui s’empare de l’Algérie.

 

   I.3 La décennie noire en tant que cas de conscience

                Face au climat de la peur et de la terreur dans lequel vit la population algérienne en général et les écrivains en particulier, il est significatif de souligner que les romans de ces derniers ont construit des œuvres tentant de comprendre la genèse de cette « guerre invisible »[11], brusque et insensée dans laquelle l'Algérie s'est enfoncée. Cette Algérie devenue noire dans son actualité, noire aussi par son expression littéraire. C'est une  « Littérature de la douleur, de la terreur, de l'exil et du désespoir ».[12] C’est une Conscience dans une ère de soupçon qui résiste en dépit de sa lueur vacillante.

Le début des années quatre-vingt dix s'accompagne d'un retour au réel. D'abord chez les tenants même de cette génération qui continuent de s'exprimer selon la tonalité qui leur est propre. Rachid Boudjedra et  Rachid Mimouni,

            La vie quotidienne et les événements qui étaient d'actualité en Algérie, durant cette période critique sur le plan sécuritaire, constituent le matériau des thèmes principaux des fictions.

 

Ecriture de « l'urgence » ne cesse, depuis, d’être attribuée à cette littérature, en dépit de  sa diversité et de son abondance durant la décennie noire, allant même à lui reprocher l’immédiateté de son apparition par rapport aux événements qu’elle rapporte. Nous estimons que ces textes dits de la violence ne pouvaient échapper à dire vite cette Algérie meurtrie par les mains de ses propres enfants. N'est-il donc pas évident que dire dans l'urgence est un réflexe qui naît d'une pulsion ? N'est-ce pas une réaction tout à fait naturelle et légitime de la conscience de tout intellectuel, que le devoir incite à réagir par l'écriture, unique et légitime moyen, où peut intervenir son éthique.

Convergeant vers les mêmes sujets, vers le même référent, la littérature algérienne des années quatre-vingt dix se démarque par le caractère de vraisemblance qui lui enjoint l’appellation de l’écriture-témoignage animée par une forte implication et exploitation de l’histoire collective.

Les écrivains qui se sont manifestés par leurs écrits durant cette période, se voient essentiellement sollicités sur des champs qui échappent souvent, d'abord à leur statut d'écrivains puis à leurs compétences : la politique, l'économie,  la sociologie… Un champ dans lequel, l'Algérie est fortement actualisée. Cependant, évoquer l’histoire n’est pas une tâche facile, parce que même

« Si l’auteur considère une situation historique comme une possibilité inédite et révélatrice du monde humain, il voudra la décrire telle qu’elle est. N’empêche que la fidélité à la réalité historique est chose secondaire par rapport à la valeur du roman. Le romancier n’est ni historien ni prophète : il est explorateur de l’existence. »[13].

 

L’écrivain n’est de surcroit ni historien, ni journaliste,  mais un créateur qui s'interroge sur les destins singuliers de personnages pris dans l'histoire, en faisant appel à son imagination.

Les réalités de l’Histoire algériennes contemporaines sont, donc, reprises comme pour témoigner du climat terrible d’une époque. Autrement dit, il s’agit d’assumer ses responsabilités et dire la situation. Dans le récit, se lit la dimension du réel qui reflète la fidélité de l’auteur vis-à-vis à la réalité de certains événements historique, et de même leurs démystifications. Les événements y sont introduits chaque fois qu’une structure narrative l’exige.

 

A cet effet, plusieurs auteurs témoignent de l’indicible horreur que traverse le pays : tueries collectives de population civile, déflagrations désastreuses dans des lieux publics, enlèvements, séquestrations et viols de femmes. Nous citerons à titre d’exemple quelques titres :

    *Rachid Boudjedra : Fis de la haine 1992 Timimoun 1994.   *Rachid Mimouni : La Malédiction 1993 - De la barbarie en général et de l'intégrisme en particulier 1992  *Abdelkader Djemai : Un été de Cendres 1996  *Yasmina Khadra : Les agneaux du seigneur 1998  et A quoi rêvent les loups 1999 – *Aissa Khelladi : Rose d’abîme 1998  *Mohammed Dib : Si Diable veut 1998  *Abed Charef : Au nom du fils 1999  *Tahar Djaout : Le dernier été de la raison 1999 (à titre posthume)  *Boualam Sansal : Le Serment des barbares 1999  *Aziz Chouaki : L’Etoile d’Alger 1996   *Anouar Benmalek : Les Amants désunis 1999.

 

L’espace tragique vécu par les algériens est largement présent dans les écrits des femmes :

*Malika Mokedem : L’interdite 1993 – Des rêves et des assassins 1995 – La nuit de la lézarde 1998 – *Nina Bouraoui : La voyeuse interdite 1991- Point mort 1992 – Le Bal de murènes 1996 – L’Age blessé 1998.

 Charles Bonn précise à propos de ces romans que « La violence est omniprésente dans les textes de ces trois auteurs, mais le lien avec l’actualité algérienne immédiate ne peut s’y lire qu’à un deuxième niveau. »[14]

 *Assia Djebar : Le Blanc de l’Algérie 1996 – Oran, langue morte 1997  *Ghania Hammadou : Le premier jour d’éternité 1997  *Latifa Ben Mansour : La prière de la peur 1997  *Leila Hamoutène : Sang de jasmin 1992   *Massa Bey : Nouvelles d’Algérie 1998



[1] Benjamin Stora, La guerre invisible. Algérie, années 90, Paris, Presses des sciences Po, 2001

[2] Cette expression sert à désigner les écrivains des années 90 ayant vécu et écrit des œuvres durant cette décennie. L’expression est empruntée à Aude Lancelin dans son article : « La renaissance du roman algérien. Les enfants de l'amertume,  »,in Le Nouvel Observateur du 2 septembre 1999.

L’expression est inspirée du roman  Les Fils de l'amertume, de Slimane Benaïssa, publié en 1999

[3] Cette expression est à l’origine le nom d’un prix littéraire crée par Jean Cocteau en 1970, et dont l’auteur algérien fut lauréat pour son premier roman La Répudiation l’expression fut reprise par plusieurs critiques de la littérature algérienne d’expression française pour désigner la 3ème  génération (à partir de 1968) des auteurs algériens, dignes successeurs de Kateb, (Bourboune, Farès, Boudjedra), ayant  développé une esthétique violemment négative qui exalte une écriture subversive, celle de l’écart et de la déviation par rapport aux conventions thématique et stylistiques.

[4] Charles Bonn, « Paysages littéraires algériens des années 90 et post-modernisme littéraire maghrébin », Op. Cit., p.11

[5] Nous tenons à préciser que dans, Farida Boualit, La littérature algérienne des années 90 : ʺTémoigner d’une tragédieʺ,in Charles Bonn & Farida Boualit (Dirs) Paysages littéraires algériens des années 90 : Témoigner d’une   tragédie ?, L’Harmattan, Paris, 1999, pp.29-30

 Farida Boualit opte pour le verbe « témoigner » qui découle de cette intention commune chez les auteurs des années 90 dans leurs actes d’écrire pour dire. Intentions qui se manifestent explicitement dans leurs propos. Elle en  donne comme exemple plusieurs occurrences au verbe témoigner, telles que : Assia Djebar (1996) : « Le rôle de l’écrivain est peut-être simplement de témoigner quelquefois de  blessures » A propos de M.Dib, la quatrième de couverture de La Nuit Sauvage, 1997, précise : « Mohammed Dib (...) renoue avec une Algérie de chair et de sang, et témoigne de ses tragédies et de ses conflits » Abdelkader Djemaï (1996) : « J’ai un devoir d’écriture et de témoignage » Slimane Benaïssa (1997) : « Notre génération est une génération de transition qui porte en elle une expérience qu’il lui faut transmettre » Sadek Aïssat (1996) : « C’est peut-être aussi l’aspect témoignage qui prime parce qu’on sent qu’il se passe quelque chose et on a envie d’en parler sur le vifAmine Touati (1996) : En réponse à la question : « Pourquoi écrivez-vous ? »: «  Pour témoigner contre moi-même. C’est ma seule façon d’exister. Pour me défendre aussi. Je suis mis en accusation. Je ne connais ni l’accusation ni l’accusateur » Latifa Ben Mansour (1997), s’agissant de son livre La Prière de la peur : « j’y témoignais de cette Algérie que je tiens au plus profond de moi »

1 Assia Djebbar, « Territoire des langues : entretien »,  in  Littérature, n° 101, février 1996, p.79

[7] La nuit sauvage, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 247-248

[8] Rachid Mokhtari, Le nouveau souffle du roman algérien, Alger, Chihab, 2006, p. 13

[9] Farida Boualit, La littérature algérienne des années 90 : ʺTémoigner d’une tragédieʺ,in Charles Bonn & Farida Boualit (Dirs) Paysages littéraires algériens des années 90 : Témoigner d’une   tragédie ?, L’Harmattan, Paris, 1999, p.35

[10] Assia Djebar : « Je ne suis pourtant mue que par cette exigence là d’une parole devant l’imminence du désastre. L’écriture et l’urgence. » - Rachid Boudjedra : « Il y a une urgence à écrire (...), à dire les Choses.»

Djamel Bencheikh : « Par urgence je n’entendrais pas l’intervention d’un écrivain dans l’immédiat. L’urgence c’est de ne pas laisser échapper le temps et garder sa mémoire pour le temps futur. Il est nécessaire de se redécouvrir dans la littérature. » - Sadek Aïssat : « Il est vrai qu’il y a cet aspect d’urgence dans ce qu’écrivent les écrivains d’aujourd’hui, de notre génération. On est pressé (...), on sent qu’il se passe quelque chose et on a envie d’en parler sur le vif. » - Slimane Benaïssa : « Ce n’est pas l’écriture qui est d’urgence mais une écoute qui est état d’urgence. » - Noureddine Saadi : « La littérature algérienne n’est pas le contrecoup de ce qui se passe. On n’écrit pas pour autrui immédiatement. Je n’aime pas cette expression 'écriture de l’urgence. »

[11] Nous empruntons l’expression à Benjamin Stora, La guerre invisible. Algérie, années 90, Paris, Presse de sciences po, 2001.

3 Eric Deschodt, « Algérie, terre blessée », in Lire, septembre 1999.

[13] Milan Kundera, L’art du roman, Paris, Gallimard, 1986, p. 59

[14]Charles Bonn, « Paysages littéraires algériens des années 90 et post-modernisme littéraire maghrébin », Op. Cit., pp. 19-20


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