Prendre la parole à l’oral ou à l’écrit, nécessite le choix entre deux types d' énonciation. Celui où le locuteur efface, dans le message, les traces du sujet parlant et des circonstances de la communication (é. historique);  ou celui où le locuteur (é. discursive) manifeste la situation particulière de communication par des indices (emploi de la 1e et de la 2e personne, usage du présent, présence de déictiques).

En outre, celui qui produit un texte crée consciemment, ou laisse se former malgré lui dans le texte, une image de lui-même ("énonciateur") et une image du lecteur ("énonciataire") qu'il est intéressant de mettre en lumière.

De ce fait Savoir reconnaître le système d’énonciation d’un texte permet de le lire, de le comprendre et de l’interpréter adéquatement. Cette étape consiste principalement à repérer les procédés d’écriture qui indiquent les conditions dans lesquelles un énoncé ou un discours est produit, afin de déterminer les instances énonciatives du discours et le cadre spatiotemporel de la communication. Pour cela, il est recommandé, face à un texte d’examiner tout mot (morphologie : affixes, racine), avoir des connaissances personnelles sur ce mot et son cotexte (atmosphère générale, phrase ou expression). (Giasson, 1990) et interpréter correctement les marques syntaxiques.

Pour donner donc du sens aux mots, plusieurs stratégies sont possibles :

faire appel aux connaissances antérieures sur ce mot;

observer sa structure morphologique (préfixe, racine, suffixe) et faire des analogies avec des mots connus contenant les mêmes éléments;

décoder les traits sémantiques de ce mot;

observer le sens du cotexte et la structure syntaxique de la phrase ou de l'expression dans laquelle s'insère le mot;

repérer d'éventuels synonymes mentionnés dans la suite du texte, à défaut : utiliser le dictionnaire.

9.1 Les instances énonciatives

9.1.1 L’émetteur : L’émetteur (ou locuteur) est celui qui assume le discours ; c’est la voix qui parle, qui pense, qui s’exprime. Être réel, fictif ou virtuel, il peut être une personne, un animal, une chose, un groupe, une institution, une simple voix, etc. Dans un texte littéraire, il correspond soit à l’auteur, soit au narrateur, soit à un personnage (un actant). Il ne faut donc pas confondre ces différentes instances du discours.

 

L’auteur est la personne réelle qui crée le discours, qui l’organise ou le manipule en fonction de ses intentions. Il peut être écrivain, journaliste, mémorialiste, romancier, conteur, poète, dramaturge, essayiste, etc. Il sera donc judicieux d’employer le lexique approprié pour le désigner. Et, s’il importe de faire la distinction entre un auteur réel et un auteur fictif, lequel est un personnage de papier entièrement inventé, il faut aussi prendre garde à ne pas confondre l’auteur réel avec le narrateur du récit et encore moins avec un personnage, car il n’y a que dans les récits véridiques que ces trois entités fusionnent.

 

9.1.2 Les traces de l’émetteur : La fonction émotive ou expressive du langage est celle qui est liée à la présence de l’émetteur dans le discours. On la repère grâce aux procédés d’écriture suivants : l’usage de la 1re personne, et la présence de modalisateurs, de verbes d’énonciation, de certains verbes attributifs et de discours rapportés.

L’usage de la 1ère personne

– Pronoms personnels de la 1re personne : je, me, moi, nous, moi-même, etc.

– Pronoms possessifs de la 1re personne : le mien, la mienne, les nôtres, etc.

– Déterminants possessifs de la 1re personne : mon, ma, mes, notre, nos, etc.

– Pronom indéfini : en, englobant la personne qui parle (équivalent de nous).

L’effets de sens possibles de l’usage de la 1ère personne :

• Indique, renforce ou accentue la présence de l’émetteur comme sujet ou objet de l’action, et marque la possession.

• Annonce une action, un état, une pensée, un sentiment, un jugement, etc. de l’émetteur.

• Sert à exprimer des sentiments (valorisation ou dévalorisation) individuels ou collectifs.

• Permet de déceler une intention ironique.

• Peut être un indice d’ingérence du narrateur dans des récits d’apparence référentielle ou impersonnelle, le narrateur se camouflant et manipulant le discours pour y intervenir tout en laissant croire à l’objectivité les unités lexicales, morphologiques et syntaxiques.

À l'intérieur d'un texte unique peuvent se produire des changements de système d'énonciation, parce que le locuteur premier cède la parole à un nouveau locuteur: c'est le cas du discours direct par exemple. Ce peut être également une forme de jeu du narrateur, qui choisit alternativement d'interpeller ou non le lecteur (monologue intérieur)

9.1.3 La présence de modalisateurs

Les modalisateurs sont des mots ou des expressions qui dévoilent la présence de l’émetteur et qui permettent de mesurer le degré de subjectivité de son discours. Les procédés qui suivent comptent parmi les modalisateurs.

– Marques de subjectivité :

• Adverbes ou expressions d’appréciation ou d’opinion : peut-être, sans doute, bien

sûr, hélas, certainement, à mon avis, quant à moi, probablement, etc.

• Interjections

• Phrases exclamatives

• Suffixes

• Lexique subjectif (mélioratif ou péjoratif)

• Temps verbaux  

 Marques socioculturelles

• Archaïsmes : mots anciens qui ne sont plus en usage

• Néologismes

• Régionalismes

• Termes propres à un domaine ou à une discipline, par exemple couverture médiatique,

expression propre au journalisme, et fondu, qui désigne, dans le domaine du cinéma, l’enchaînement d’une image à l’autre.

– Niveaux de langue : Manières de s’exprimer adaptées aux circonstances de la communication.

Ces indices renseignent sur l’origine et les conditions sociales de l’émetteur, dévoilent ses sentiments, ses opinions, ses certitudes ou ses doutes, sa personnalité, voire sa vision du monde.  Permettent de démasquer la prétention de l’émetteur à l’objectivité, notamment dans des récits à la 3e personne où il cherche à camoufler sa présence.

Traduisent un souci de réalisme, grâce à la présence des marques socioculturelles.


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