L’organisation du texte  révèle son architecture et permet au lecteur d'en dégager le plan de développement. Il s’agit  de la progression thématique dans le paragraphe ou macrostructure pour la construction globale du texte.

De phrase en phrase, la progression du texte, surtout informatif ou persuasif, se fait par addition d'un rhème (ou prédicat) à un thème (ou propos). Le thème est, en principe, un élément connu du destinataire ou déjà évoqué dans le texte, le rhème apporte, lui, une information nouvelle. Attention, dans l'ordre de la phrase, le rhème peut parfaitement précéder le thème. Le développement apparaît selon quatre structures fondamentales ( Combettes, 1988) et (Dupont, 1994)

La progression thématique vise donc à repérer et saisir  comment s’ordonnent les différents thèmes d’un texte et quels rapports s’établissent entre eux. Cela permettra de dégager la structure lexicale et sémantique du texte.

1.2.1        Progression à thème constant

C’est le même thème qui apparaît d’une phrase à l’autre dans tout le texte. Cette progression se rencontre surtout dans les textes narratifs.

Par exemple :

« Ils firent une incursion à la fête foraine… Ils  firent  deux parties de billard japonais… et s’achetèrent de la barbe à papa… Ils auraient bien voulu monter dans les autos tamponneuses, mais ils durent se contenter de regarder les adultes en faisant les gestes de la conduite… Ils se promettaient que, lorsqu’ils seraient grands, ils viendraient à la fête foraine et, riches, s’offriraient tous les moyens de réjouissance… »

Le sujet ils = le thème. Ce thème est repris dans toutes les phrases suivantes

La répétition du sujet ils, qui est le thème, et qui revient dans chaque phrase.

Il à rappeler que dans une progression à thème constant le thème peut être repris par une suite de divers substituts (nom propre, adjectif, anaphores lexicales ou variés)

Par exemple :

  « J’ai rencontré un des mes amis en ville. C’était Omar le boulanger. Il faisait des courses en prévision d’une fête qu’il allait organiser. Cet homme sensé s’y prenait à l’avance pour tout préparer tranquillement. »

Le thème de départ : un de mes amis  est représenté par des éléments différents :  Omar le boulanger, il, cet homme.

On peut schématiser la progression à thème constant, tel qu’il figure dans le premier exemple de la manière suivante:

Phrase 1 :   Thème 1 (ils)    +    Propos 1

                    

 

Phrase 2 :   Thème 1 (ils)    +    Propos 2

                           

 

Phrase 3 :   Thème 1 (ils)    +    Propos 3

 

1.2.2        La progression à thème linéaire :

Dans ce type de progression, le thème d’une phrase est issu du propos de la phrase précédente, ainsi qu’on peut l’observer dans cet exemple :

«  L’escalier par où Halmals et lui étaient descendus, à la suite des autres fugitifs, se terminait (…) par un étroit couloir voûté. Ce couloir s’ouvrait sur une profonde fissure naturelle du sol…Cette fissure, absolument dérobée aux regards, serpentait sous des végétations impénétrables.                       (V. Higo, Quatre-vingt-treize)

Explication : le thème de la phrase 2 (couloir) vient du propos de la phrase 1 tandis que le thème de la phrase 3 (fissure) vient du propos de la phrase 2.

On peut schématiser ce type de progression de la façon suivante :

Phrase 1 :   Thème 1   +    Propos 1

                 (escalier)         (couloir)

 

 


Phrase 2 :   Thème 2   +    Propos 2

                 ( couloir)           ( fissure)

 

Phrase 3 :   Thème 3   +    Propos 3

                 ( fissure)  etc.              

 

Cette progression est adéquate pour les textes descriptifs.

 

3.2.3 Progression à thème éclaté

Dans ce type de progression, Chaque sous-thème est un élément constitutif du thème principal appelé hyperthème.  Ce dernier peut ne pas apparaître explicitement.

L’hyperthème (thème générique de départ) sera décomposé en plusieurs sous-thèmes, comme dans le texte suivant :

«  Mais il secoua la tête et, en apercevant l’accumulation des richesses, il se calma. Des plaques de bronze, des lingots d’argent et des barres de fer alternaient avec les saumons d’étain (…) ; les gommes du pays des noirs débordaient de leurs sacs en écorce de palmier ; et la poudre d’or, tassée dans des outres, fuyait insensiblement par les coutures trop vieilles. »                        (G. Flaubert, Salammbô)   

Cette progression peut être schématisée ainsi :

 Phrase 1 :   Hyperthème :                    richesses

 Phrase 2 :   plaques de bronze

 Phrase 3 :   gommes

 Phrase 4 :   poudre d’or

 

Dans certains cas, l’hyperthème n’est pas évoqué ; mais il peut être reconstruit a posteriori, comme dans l’exemple suivant :

« Elle était devenue pareille aux autres (…) ; des langues de feu lui brûlaient les bronches à chaque respiration ; une douleur aiguë et fausse lui sciait l’épaule ; une fatigue qui n’était ni généreuse ni voulue battait du tambour dans sa poitrine. »

                                     (J. P .Sartre, La mort dans l’âme.)

La progression thématique à thème éclaté s’organise ainsi :

Sous-thème 1   =   langues de feu

Sous-thème 2   =   douleur

Sous-thème 3   =   fatigue

 

 


Hyperthème     

 délabrement physique

reconstruit    

 

 

3.2.4 Progressions combinées

Dès que le texte atteint une certaine longueur, il présente le plus souvent une combinaison des trois types de progression.

Soit par exemple ce passage extrait de La mort dans l’âme, de J.-P. Sartre :

«  Les quatre soldats qu’il avait vus glisser le long des blés avaient tourné autour du champ pour rejoindre la route : ils débouchèrent sur le pré en file indienne.

C’étaient des types du génie, Matthieu ne les connaissait pas ; ce caporal, qui ressemblait à Pinette ; il était en bras de chemise comme lui ; il avait ouvert sa chemise sur sa gorge velue ; le suivant, un brun hâlé, avait jeté sa veste ; il tenait un épi (…), il renversa la main, la porta à sa bouche. Le troisième, plus grand et plus âgé, peignait avec ses doigts ses cheveux blonds. Le quatrième arrivait sans bruit ; il s’arrêta (…), il s’accroupit. »

En premier, une progression à thèmes dérivés où l’hyperthème, les quatre soldats, qui éclate en plusieurs sous-thèmes : ce caporal, le suivant, le  troisième, le quatrième.

Puis, une deuxième progression à thème constant qui s’associe à la première, puisque les sous-thèmes 1(ce caporal), 2(le suivant) et 4(le quatrième) sont repris à leurs tours:

-                                 ce caporal : il était …, il avait ouvert ;

-                                 le suivant : il tenait, il renversa ;

-                                 le quatrième : il s’arrêta, il s’accroupit.

La combinaison des progression s’illustre la manière suivante :

          Les     quatre        soldats

 

ce caporal

 

- il était

 

- il avait ouvert

                     

  - le suivant

 

                   - il tenait

 

                   - il renversa

                                   

                                           - le troisième  

                                                             - le quatrième

                                                            

                                                  - il s’arrêta

                                                  - il s’accroupit

3.2.5 Ruptures thématiques

Il arrive que le thème d’une phrase ne puisse pas être rattaché au contexte précédent ; il y a alors un phénomène de rupture, comme dans les deux exemples suivants :

Ex. 1 : « Je restai là, couché dans l’herbe, sans force, jusqu’à ce que mes battements eussent repris un rythme normal. Un vol de canards passa  au-dessus de moi, très bas, à  une vitesse vertigineuse, troublant le silence de leur grotesque ²coin-coin². »      

                        (D. Decoin, Un taxi mauve)

Ex. 2 :  « Revenue à elle, elle revit le fantôme, ou la statue comme elle dit toujours, immobile, les jambes et le bas du corps dans le lit, le buste et les bras étendus en avant, et entre ses bras son mari, sans mouvement. Un coq chanta. »

                               (Mérimée, Romans et nouvelles).

Dans l’exemple 1, du thème je  on passe  au thème un vol de canards, thème qui n’a aucun rapport avec le premier.

Dans l’exemple 2, on parle d’abord d’elle, puis d’un coq. Il y a certainement une relation entre les deux : la scène doit se passer aux premières heures de l’aube, quand les coqs commencent à chanter. Il n’empêche que la juxtaposition de ces deux thèmes est assez surprenante. C’est parce que ce passage d’un thème à l’autre est surprenant – au moins pour le lecteur pressé qui se contente d’une saisie superficielle du texte – que l’on parle de rupture thématique.

 


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