L’analyse sémique ou componentielle :

A la différence du modèle précédent (définition par inclusion), l’analyse sémique ne se place pas sur le terrain de la référence - elle a une visée strictement « linguistique » en développant une approche du sens intra-linguistique et différentielle.

 L’analyse sémique s’est développée à la fin des années 1960. Période du structuralisme, les linguistes ont songé à appliquer au sens les méthodes de l’analyse phonologique : ils postulaient l’existence du principe d’isomorphisme = une analogie de
structure entre le plan de l’expression (les signifiants) et le plan du contenu (les signifiés)
- de la même manière que le phonologue décrit le système (structural) des oppositions
phonologiques, le sémanticien est conduit à différencier, au sein d’un ensemble lexical donné, les sens des mots les uns par rapport aux autres en procédant à l’analyse du signifié en traits
distinctifs. Diverses appellations pour ces traits :
- sèmes (de là, le terme d’analyse sémique), composants (en anglais components, ce qui explique le terme d’analyse componentielle) ou traits sémantiques. (Alise Lehmann, Françoise Martin-Berthet, 2008¸ 21).

-       Les concepts et les méthodes de l’analyse sémique :

- Sème et sémème :

La substance sémantique d’un mot est comparable à la substance phonologique d’un phonème (principe de l’isomorphisme). Elle est constituée d’un « faisceau » de traits distinctifs de signification appelés sèmes.

Le sémème est l’ensemble de sèmes caractérisant un mot (ou, dans le cas d’un terme
polysémique, une acception d’un mot)
=> le sémème peut être représenter ainsi :
sémème = {sème1, sème2..., sème n}

Exemple :

- le sémème de femme est composé des sèmes /humain/, /non mâle/, /adulte/
- il s’oppose au sémème de fille comportant les sèmes / humain/, /non mâle/, /non adulte/
- le sème /adulte/ est un trait distinctif dans ce couple de mots. ( idem, 23)

·         Archisémème et archilexème :

L’analyse sémique (dans sa version européenne) s’applique à une série de mots appartenant à un micro-ensemble lexical. Cet ensemble de nature paradigmatique est composé d’unités lexicales qui partagent une zone commune de signification (cf . champ sémantique - il n’y a pas d’intérêt à opposer un lapin à une bouteille).

Cet ensemble est appelé par B. Pottier taxème d’expérience = l’ensemble lexical fonctionne dans une situation socioculturelle donnée.

lorsque l’on compare un ensemble de sémèmes entre eux, l’on peut observer qu’ils ont certains sèmes en commun => l’archisémème désigne l’ensemble des sèmes communs à plusieurs sémèmes - leur intersection :
- par exemple dans le cas des sémèmes de femme et de fille, /humain/ et /non mâle/
- à cet archisémème ne correspond aucun mot en français
- mais il peut arriver que l’archisémème ait une réalisation lexicale ; dans ce cas, celui-ci prend le nom d’archilexème - par exemple siège, équivalent lexical du sème /pour s’asseoir/ (idem)

·         L’exemple des noms de sièges

B. Pottier a illustré les méthodes de l’analyse sémique dans sa célèbre analyse de l’ensemble des sièges (« Vers une sémantique moderne », Travaux de linguistique et de littérature de Strasbourg, II. 1964, p. 107-137).
Cet exemple est un archétype et ne peut être ignoré :

 

S1 : por s’asseoir

S2 : su pieds

S3 : pour une personne

S4 : avec dossier

S5 : avec bras

S6 : en matière rigide

Chaise

+

+

+

+

-

+

Fauteuil

+

+

+

+

+

+

Tabouret

+

+

+

-

-

+

Canapé

+

+

-

(+)

(+)

+

 Pouf

+

-

+

-

-

-


À l’aide de six sèmes, B. Pottier oppose les sémèmes des cinq mots choisis. Chaque mot a un
contenu sémantique différent (porté sur la ligne horizontale).
Sémème de chaise = {s1, s2, s3, s4, s6}
Sémème de fauteuil = { s1, s2- s3, s4, s5, s6)
Sémème de canapé = {s1, s2, s6} avec parfois s4 et s5, de là le signe (+).

Si l’on ajoute s5 au sémème de chaise, on aboutit au sémème de fauteuil
- la différenciation entre les différents sémèmes étant réalisée, l’analyse sémique a atteint son
objectif.

Si l’on ajoutait à l’ensemble lexical un autre mot, soit par exemple chaise longue, il faudrait modifier la grille, ajouter d’autres sèmes (par exemple, sème s7 /pliable/), voire réorganiser, en fonction de cet ajout, d’autres oppositions.

l’archisémème de cet ensemble est constitué du sème s1 /pour s’asseoir/
- siège est l’archilexème qui lui correspond.
- les sèmes sont des composants sémantiques -> il est nécessaire d’utiliser les signes
démarcatifs (guillemets, crochets, barres obliques) :
humain représente le mot, « humain » représente le signifié du mot, /humain/ représente le sème
- contrairement au domaine phonologique ou grammatical, il n’y a pas de métalangue sémantique « toute prête » - elle est à formuler à chaque analyse
- pour montrer l’écart par rapport au langage naturel, les linguistes choisissent, en règle générale, une formulation abstraite :
Exemple :  /sphéroïdité/ pour décrire le sémème de tête plutôt que de /forme ronde/

Par définition, un sème n’est pas un trait référentiel – il s’agit d’un trait différentiel de
contenu au sein d’un ensemble donné. L’analyse sémique a suscitée de nombreuses critiques – malgré tout, la grille proposée par B. Pottier vaut pour ses fondements méthodologiques.


Modifié le: jeudi 16 mai 2024, 10:00