LE MAGHREB : Histoire – conquête – colonisation

 

  1. Antiquité

 Le Maghreb fut envahi et occupé par un grand nombre de populations diverses du Proche-Orient et d’Europe : les Phéniciens au VIIIe siècle av. J.-C. et les Français, les Espagnols et les Italiens aux XIXe et XXe siècles apr. J.-C. La continuité a été assurée par les Berbères — qui se trouvaient déjà en Afrique du Nord lorsque les Phéniciens arrivèrent —, et qui constituent un peuple composite, dont les origines demeurent obscures. Leur nom vient du latin Barbari, nom que les Romains attribuaient à tous les peuples qui leur étaient étrangers.

Vers l’an 1000 av. J.-C., des échanges commerciaux commencèrent à travers le Sahara. Cette activité économique joua un rôle considérable dans le développement des ports d’Afrique du Nord, et des villes telles que Fès. À l’époque, le désert était beaucoup moins vaste qu’aujourd’hui. Des bœufs et des chariots en effectuaient la traversée. Lorsque le climat du Sahara devint plus sec, les dromadaires devinrent le principal moyen de transport. Au plus fort des échanges commerciaux transsahariens, l’or et les esclaves étaient les principales marchandises expédiées vers le Nord (Fès, Tunis et Tripoli notamment). Le sel, les armes et les cauris (coquillages utilisés comme monnaie) étaient les principaux produits vendus sur la route du Sud.

Au VIIIe siècle av. J.-C., les Phéniciens, appartenant à la grande nation commerçante de la Méditerranée orientale, commencèrent à établir des comptoirs commerciaux le long de la côte septentrionale, notamment à Carthage, à Hadrumète (aujourd’hui Sousse), à Leptis Magna et à Utique, mais pas en Cyrénaïque (Libye) où ils rivalisèrent avec les Grecs à partir du VIIe siècle av. J.-C.

Carthage était le comptoir phénicien le plus réputé. Elle se développa peu à peu et devint le centre d’un empire au Ve siècle av. J.-C. Puis elle tomba aux mains des Romains en 146 av. J.-C. (les Guerres Puniques). Il fallut encore un siècle à ceux-ci pour dominer réellement la région.

L’Empire romain créa la province romaine d’Afrique, dont la capitale fut Utique, développa la culture des céréales et fonda une civilisation urbaine prospère, notamment à Leptis Magna et à Sabratha en Libye, à Carthage et à Thugga (aujourd’hui Dougga) en Tunisie, à Timgad et à Tipasa en Algérie, et à Volubilis au Maroc. Après le déclin à Rome, le christianisme se diffusa dans la région. Celle-ci fut successivement dominée après 429 apr. J.-C. par les Vandales, les Byzantins et les Berbères, jusqu’aux conquêtes arabes.

 

2.  L’avènement des arabes

 

Aux VIIe et VIIIe siècles, les troupes arabes venant d’Égypte déferlèrent à travers le Maghreb.Ils introduisirent la langue arabe et la religion islamique, qui allaient devenir deux éléments dominants de l’identité maghrébine.

Au départ, cette évolution impliquait le contrôle du Proche-Orient sur la région mais, à la fin du VIIIe siècle, de nouveaux royaumes avaient commencé à se constituer. Par la suite, plusieurs dynasties gouvernèrent le Maghreb, et par moment certaines parties de l’Afrique occidentale (fin XVIe siècle-début XVIIe siècle) et de l’Espagne (XIe siècle-XVe siècle). Au XIIe siècle, les Almoravides furent combattus par Ibn Tumart, un réformateur berbère de l’islam, qui vivait dans le Haut-Atlas, fondateur de la dynastie des Almohades. Après sa mort en 1130, son successeur Abd el-Mumin réussit à conquérir le Maghreb. La dynastie almohade prit fin en 1269 avec la prise de Marrakech par les Mérinides. Ceux-ci s’emparèrent de Tlemcen en 1337 et de Tunis en 1347, mais furent refoulés par une autre dynastie berbère, celle des Abdelwadides, qui régna à Tlemcen, tandis que les Hafsides dominaient l’Ifriqiya, région qui regroupait l’est de l’Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine. La population arabe, d’abord concentrée dans les zones urbaines se répandit progressivement dans les régions rurales. L’adoption par les Berbères de la langue arabe se fit également lentement.

Au début du XVIe siècle, l’expansion de l’Empire ottoman balaya les dynasties de Libye, de Tunisie et d’Algérie. L’ouest du Maghreb, resté à l’écart de l’envahisseur turc, fut dominé par les Saadiens, une dynastie de chérifs hassanides, qui dut s’opposer à la pression chrétienne de la Reconquista (les Portugais prirent Ceuta en 1415 et les Espagnols s’emparèrent de Mellila en 1497), tout en organisant une expédition contre l’empire malien du Songhaï, en 1591. Les Saadiens furent remplacés en 1666 par la dynastie des Alaouites, qui règne encore aujourd’hui au Maroc.

Le Maghreb oriental continua de faire partie de l’Empire ottoman pendant encore deux cent cinquante ans, même si l’Algérie, la Tunisie et la Libye étaient devenues, vers la fin de cette période, des États plus ou moins autonomes

 

3.  Domination coloniale et indépendance

 

L’invasion française de l’Algérie en 1830 marqua le début de la période coloniale. Pendant plus de cent ans, les Français tentèrent d’intégrer l’Algérie à la France, essentiellement en raison de l’abondance de ses ressources. À partir de 1881, la France contrôla également la Tunisie, sous la forme d’un protectorat. Le Maroc fut érigé à partir de 1912 en un protectorat divisé entre la France, qui contrôlait la région principale du pays, et l’Espagne, qui dominait des zones plus réduites dans le Nord (le Rif) et le Sud (la bande de Tarfaya). En Libye, la rivalité entre la présence ottomane en déclin et l’Italie, qui faisait preuve d’assurance, atteignit un point critique avec la Première Guerre mondiale, bien que l’Italie ne pût achever son occupation qu’au début des années 1930. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Libye fut administrée militairement par la France et la Grande-Bretagne. Le Sahara occidental et la Mauritanie passèrent respectivement sous contrôle espagnol et français vers la fin du siècle. Cependant, ce fut en Algérie, en Tunisie et au Maroc que l’expérience coloniale fut la plus forte. Les Français introduisirent une grande part de leur culture et de leurs méthodes de travail, notamment dans la plaine de la Mitidja, près d’Alger, et orientèrent les économies des trois pays vers les besoins du marché métropolitain.

 

L’indépendance des cinq États du Maghreb fut réalisée entre 1951 et 1962. La Libye devint le premier État indépendant en 1951, sous la forme d’une monarchie gouvernée par les senoussis, qui conservèrent le pouvoir pendant les dix-huit années suivantes. Le Maroc et la Tunisie virent la fin de leur protectorat en 1956. Au Maroc, la dynastie des chérifs Alaouites, qui avait dirigé le pays avant et pendant le protectorat, continua à gouverner. Peu de temps après l’indépendance, la Tunisie choisit d’être une république, qui évolua vers un système monopartiste. La Mauritanie obtint son indépendance en 1960. Mais ce fut en Algérie, où s’étaient implantés un grand nombre de Français, que la décolonisation se réalisa le plus difficilement. Ce fut le seul pays à se battre pour son indépendance, qui fut réalisée en 1962, après un conflit de huit ans, dans lequel plus d’un million de personnes perdirent la vie.

 Histoire du colonialisme moderne:

Le colonialisme se définit comme étant cette « doctrine qui vise à légitimer l’occupation d’un territoire ou d’un Etat, sa domination politique et son exploitation économique par un Etat étranger » . Le colonialisme  n’est pas une  doctrine propre aux temps moderne, il suffit pour s’en convaincre de penser à l’empire romain, vandale, musulman, …

 

Le terme « colon » est apparu au Moyen-âge afin de désigner les personnes qui exploitent une parcelle de terre dont elles ne sont pas propriétaires en échange du payement d’un loyer en nature. Ce terme purement économique va changer d’acception au XVIIIe siècle, pour désigner la personne qui peuple une colonie. Cette évolution lexicale est liée au changement de représentation du monde par les Occidentaux. En effet, c’est à partir de cette époque que l’Europe se représente au centre du monde, réduisant le reste du monde à une périphérie. Dans le cadre du colonialisme, le rapport fondamental est la domination qui est établie grâce à une politique d’assujettissement et d’infériorisation de l’Autre

Le premier empire colonial moderne  est le Royaume Chrétien d’Espagne qui dès la fin du XVe siècle se lance à la conquête de l’Amérique et de l’Asie. Il sera très vite suivi du Portugal qui va à la conquête de l’Amérique du Sud.

Cette volonté d’exploiter les ressources des pays colonisés va déboucher sur le plus grand drame de l’histoire de l’humanité : la déportation des populations africaines et leur mise en esclavagisme. Drame toujours pas assumé par l’Occident.

Au XIXe siècle, grâce à la révolution industrielle, les deux grands empires coloniaux sont la France et la Grande-Bretagne. Et l’entreprise coloniale est orientée déplacée vers le continent africain qui a été colonisé en totalité (à l’exception de l’Éthiopie).

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale, les pays colonisés accèdent à l’indépendance.

 

Les formes de colonisation

 

Il faut distinguer la colonisation dite de peuplement et celle d’exploitation. La première désigne une colonisation où des colons  européens s’installent en nombre suffisamment important pour former des communautés sur les territoires colonisés (c’est ce qu’a vécu l’Algérie à partir de 1830). La colonisation d’exploitation, qui est la forme la plus répandue, est une exploitation, par le pays colonisateur, des richesses humaines ou naturelles des pays colonisés.

 

Les raisons de l’expansion coloniale

Les raisons de la colonisation sont :

1.  Les motivations politico-économiques :

A partir de la Renaissance, la richesse d’un pays se calcule en termes d’industrie mais surtout en termes de commerce extérieur. Ainsi la volonté de prendre place dans le commerce mondial va imposer, aux pays d’Europe occidental, la possession de bases navales et commerciales en divers points du globe.

Epuisés par une exploitation devenue mécanique, le sol européen s’appauvrit. A l’opposé, les pays colonisés sont présentés comme des zones riches. Leurs richesses serviront à combler les carences européennes. Leurs climats permettront la culture de nouvelles espèces végétales qui résistent mieux à de longs voyages.

Sous le joug colonial, les populations indigènes constituent une réserve de main d’œuvre bon marché et asservie.

2.  Le « devoir de civiliser les races inférieures » (Jules Ferry, 1885)

Les pays d’Europe occidentale se sentent investis d’une mission civilisatrice et religieuse des peuples indigènes, jugés barbares. Cette mission vient du fait qu’ils croient en la supériorité de leur civilisation et de leur race. Des auteurs comme R. Kipling parleront même du « fardeau de l’homme blanc ».  Les Européens se doivent, selon eux, de sauver les esprits les indigènes (par la civilisation) mais aussi leurs âmes par l’évangélisation.

Il faudra attendre Georges Clemenceau pour remettre en question officiellement cette théorie de la supériorité de la race blanche.  « Races supérieures, races supérieures, c’est bientôt dit ! Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou race inférieure. ».

 La conquête de l’Algérie

Dans la première moitié du XIXe siècle, les puissances européennes ne sont pas encore tentées par l’expansion coloniale en Afrique. La France n’a alors que très peu de colonies : Martinique, Guadeloupe et l’île Bourbon (la Réunion), les Marquises et Tahiti, quelques comptoirs en Inde et au Sénégal… Sans objectif précis, la France colonise l’Algérie.

 

1. De la domination turque à la domination française

Les opérations militaires en Algérie font partie d’une politique d’affirmation de la France en Méditerranée.

 

1.1. L’Algérie turque

Depuis le XVIe siècle, l’Algérie est sous la domination des Turcs. Un dey, qui reconnaît la souveraineté du sultan ottoman, administre la région.

La principale ressource de la province reste la piraterie algéroise : jusqu’au début du XIXe siècle, les États européens payent un tribut au dey pour être épargnés par les corsaires. Ce passé rarement assumé devrait être étudié dans son contexte historique. En effet, actuellement, la piraterie est considérée comme un délit,… mais, il est absurde de lire des faits historiques avec un regard actuel.  Longtemps décrite comme un signe de barbarie, la piraterie est jusqu’au début du XIX° siècle un fait économique. Il faut, par exemple, penser à l’aide apportée par les flibustiers des Caraïbes à la couronne anglaise.

La domination turque qui n’a jamais été totale était peu appréciée des populations locales qui se soulevaient fréquemment. Ainsi, lorsqu’éclate le conflit avec la France, le régime du dey est affaibli et impopulaire.

 

1.2. Les véritables raisons de la colonisation

Avec la chute de l’empire napoléonien[1], la France perd de son prestige et de sa puissance. Elle souhaite retrouver son importance internationale autrement qu’économiquement (il ne faut pas oublier que les conquêtes napoléoniennes ont ruiné le pays). Elle entend devenir la puissance dominante en Méditerranée.  En 1827, le roi de France Charles X saisit le prétexte d’un différend entre le dey et le consul de France à Alger pour instaurer un blocus de trois ans. Après la canonnade d’un vaisseau parlementaire, une expédition militaire est lancée. Alger est prise le 5 juillet 1830.

 

2. La conquête militaire

 

2.1. L’occupation restreinte

 

Initiateur de cette conquête, Charles X n’aura pas le loisir d’en profiter car il est chassé du trône en 1830.. Louis-Philippe Ier arrive au pouvoir sans vraiment savoir que faire d’Alger. La conquête coûte cher. La Monarchie de Juillet décide d’établit une occupation restreinte du territoire : une fois passées les murailles d’Oran ou de Mostaganem, les militaires français se heurtent aux tribus indigènes. En 1834, un traité d’amitié accorde à un chef indigène, l’émir Abd-el-Kader, une autorité politique et religieuse sur la partie occidentale du pays. La France ne conserve que deux enclaves littorales : Alger et Oran. La France se tourne alors vers l’Algérie orientale. En 1837, le général Bugeaud entre à Constantine et fait disparaître les derniers vestiges de l’occupation turque. La prise de Constantine est l’un des épisodes les plus sanglant de la conquête de l’Algérie. En effet, la population constantinoise payera chèrement sa résistance acharnée. Afin de ne pas se battre sur deux fronts, la France renouvelle ses accords avec Abd-el-Kader.

 

2.2. L’occupation étendue

 

Abd-el-Kader organise le premier État algérien. Il souhaite débarrasser le pays de la présence française mais sa réaction est tardive, la France avait déjà brisé les grands pôles militaires du pays. En 1839, il déclenche une guerre sainte contre les envahisseurs français et met à sac la plaine de la Mitidja. Ne pouvant composer avec Abd-el-Kader, la France entreprend alors la conquête de toute l’Algérie. Nommé gouverneur, le général Bugeaud mène une lutte acharnée contre les Algériens. En 1847, Abd-el-Kader est fait prisonnier. De nombreuses régions restent insoumises, notamment la Kabylie. Les combats se poursuivent sous le Second Empire. En 1857, l’ensemble du territoire est conquis avec la prise du Djurdjura.

 

 

  1. Après la conquête, la colonisation

 

Afin de pérenniser sa conquête, la France souhaite établir des communautés européennes en Algérie[2].

Bien que les troupes françaises contrôlent l’ensemble du territoire, de nombreuses insurrections populaires sont réprimées dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pour consolider cette conquête, l’idée de constituer une colonie de peuplement s’impose peu à peu : il faut inciter des Européens à s’installer sur le sol algérien. Dès 1847, plus de 100 000 Européens (Français, Espagnols, Italiens, Maltais) résident en Algérie. Ils sont plus d’un demi-million à la fin du siècle, attirés par la promesse de terres fertiles. Ces Algériens d’origine européenne sont appelés les « pieds-noirs ». En 1848, le pays est proclamé territoire français et divisé en trois départements.

On attribue aux Européens des terres confisquées aux tribus algériennes insoumises. L’agriculture est modernisée et destinée à l’exportation (l’exploitation du blé et de la vigne). Afin de réduire les tensions, la France cherche à assimiler les Algériens en les représentants dans les institutions locales, à partir de 1870. Mais les colons s’opposent à la participation musulmane à l’élection des députés. e la colonisation française aux Maghreb

 Les étapes de la colonisation française aux Maghreb

 Elle est d’abord la conquête et l’annexion d’un territoire. Elle est ensuite l’occupation par une population étrangère d’un territoire appartenant initialement aux indigènes. En résultera donc non seulement assujettissement mais aussi discrimination des peuples originaux.

 

Mais pour se maintenir, le colonisateur aura besoin de créer des mythes qui excusent à défaut d’expliquer l’entaille faite aux sacro-saints principes humanistes.

Cette démarche tend à prouver que l’espace de la colonie est un espace maudit des dieux et des hommes. L’Afrique par exemple est décrite comme la terre de Cham, barbare lorsqu’elle est peuplée, sauvage lorsqu’elle est déserte pour reprendre les termes de V. Hugo

Sur cet univers ignoré vit l’indigène, apathique et veule qui n’a pas su donner à sa terre une histoire, une civilisation,… Sur cet univers inculte règne la nature inhospitalière (elle est traitée par exemple de « Pays de sel » de « Pays des sauterelles ») qu’il faut dompter, et qui sera, dans le discours colonialiste, domptée et éclairée par le colon. D’où le souhait de Maupassant, par exemple, de voir ces terres passer entre les mains de ceux qui ont l’amour de la terre et le courage du travail, en l’occurrence les coloniaux

« Il est certain que la terre, entre les mains de ces hommes [les colons] donnera ce qu’elle n’aurait jamais donnée entre les mains des Arabes ; il est aussi certain que la population primitive disparaîtra peu à peu ; il est indubitable que cette disparition sera fort utile à l’Algérie mais il est révoltant qu’elle ait lieu dans les conditions où elle s’accomplit » (Maupassant, Au Soleil)

Le second mythe que créera le système colonial est celui de la gloire et de la grandeur française. Par la colonisation, la France « offre » sa vitalité et sa civilisation aux peuples colonisés. C’est « la civilisation qui marche sur la barbarie ». Pour montrer à quel point la colonisation est salvatrice pour les peuples indigènes, les indigènes sont décrits comme étant des indigents, passéistes, belliqueux, fanatiques, incultes,…. La colonisation apparaît donc comme le seul moyen de libérer ces peuples de l’obscurantisme. Se développera donc l’idée de l’infériorité du colonisé.

La colonisation aura pour effet de rendre l’homme étranger à lui-même, mais aussi hostile à ce qu’il est. Pour combler ce vide culturel et identitaire né de son infériorisation, le colonisé choisira  d’épouser la culture de l’Autre. L’acculturation sera donc la première phase que connaîtra l’écrivain maghrébin.

 

Le colonialisme a fait de cet écrivain un être ambigu, car il le fait vivre entre deux cultures. Une première culture que le système colonial infériorise et qu’il va intérioriser comme dévalorisée avant de l’expulser avec violence. Et une seconde, celle du colonisateur, qu’il va assimiler grâce notamment à l’institution scolaire qui est obligatoire et qui va toucher toutes les couches sociales.

Se penser sera donc pour ces auteurs se penser autre tout d’abord. C’est ce qui est communément appelé une situation d’acculturation.

Ce terme est apparu vers 1880, chez les anthropologues américains afin d’expliquer certains phénomènes qui ont succédé à la conquête de l’Ouest. Il désigne le « processus par lequel un individu, un groupe social ou une société entre en contact avec une autre différente de la sienne et l’assimile en partie ». Ce processus  prend deux formes l’une passive, l’autre active.

 

Le colonisé, lui, commence par accepter l’acculturation en se résignant et en accusant sa faiblesse et la puissance du colonisateur. Il aura même un comportement de complicité. Croyant en l’assimilation, il sera victime de l’illusion qui lui fait croire qu’il va tirer un certain avantage du système colonial. Mais il existe dans la société colonisée des zones de résistance qui intériorisent la culture indigène et qui seront les points de référence de la révolte. Après l’impossibilité de l’assimilation, les colonisés vont se révolter d’abord en revenant aux sources de leur culture mettant fin ainsi aux prétentions coloniales.

 L’école Française, instrument de l’acculturation :

A partir des années 1880, l’œuvre coloniale va finir de démanteler les institutions locales (Madrasa, Zaouïa,…), chose qui va bouleverser la structure des sociétés maghrébines et surtout algériennes.

Le français s’imposera donc très vite comme la langue de l’administration, de la justice et enfin celle de l’enseignement. Le colonisateur va, au moyen de l’école, assujettir linguistiquement, idéologiquement les populations colonisées. Cet assujettissement est d’autant plus efficace que l’apprentissage d’une langue conduit, inévitablement, à l’initiation à une culture.

 

De son côté, l’enseignement de la langue arabe se maintient péniblement dans certaines parties du pays au prix d’un isolement presque absolu et d’un archaïsme presque total.

Seule la culture populaire orale (beaucoup plus subversive et difficile à contrôler) va subsister comme garant d’une culture première oubliée, niée,…

L’intellectuel maghrébin est tiraillé entre deux cultures qu’il assume malgré leur opposition.



[1] - Il est à noter que la conquête d’Alger avait déjà été envisagée par Napoléon I qui avait chargé des espions de déterminer les points faibles de cette citadelle dite imprenable.

[2] - Certains documents de l’époque attestent du désir des Français d’exterminer ou du moins de réduire considérablement, à long terme, les populations indigènes


Modifié le: samedi 23 janvier 2021, 19:26