Aperçu des sections

  • PRESENTATION ET DESCRIPTIF DU COURS

    • Cycle : Master

      Niveau: 1ère année

      Spécialité: Littérature générale et comparée


      Présentation du cours  

      La littérature Maghrébine de langue française est considérée aujourd’hui comme l’une des plus prolifiques et des plus intéressantes sur le plan de la recherche scientifique. Les auteurs fondateurs et contemporains tels Mouloud Feraoun Dris Chraibi, Albert Memmi, Mohamed Dib, Tahar Ben Jelloun, ainsi  que Boualem Sensal, Emna Belhadj Yahia, Fawzia Zouari Salim Bachi, Yasmina Khadra, Assia Djebar,  Kamel Daoud, Ali Bécheur, Fouad Laroui …  sont connus et reconnus par la critique littéraire comme des écrivains majeurs de notre ère, au même titre des chercheurs universitaires de plusieurs pays qui leur ont consacrés de nombreux travaux de recherche.

      La littérature maghrébine est née dans le contexte de la colonisation tout comme les autres littératures francophones.

      Ce cours vise à enrichir les connaissances générales des étudiants sur la littérature maghrébine de langue française, ses tendances et les spécificités de chaque période, en s'appuyant sur une sélection de textes.

       Le Contenu

      On abordera  les tendances littéraires maghrébine et les spécificités de chaque période de cette jeune littérature (du début du 20è siècle jusqu'aux années 2000).  Mais avant d’arriver à la littérature maghrébine, il faudra d’abord expliquer à l’étudiant la signification de la francophonie culturelle ou littéraire, lui rappeler certaines connaissances acquises en cursus de licence (définition de la littérature, du récit, du genre…) pour ensuite évoquer la littérature maghrébine. Plusieurs activités sont proposées tout au long de l'année comme les exposées oraux, les débats et les comptes rendus de textes étudiés. Les apprenants sont appelés à choisir une œuvre (roman, recueil de nouvelles ou de poèmes) d'un écrivain maghnrébin, pour y présenter ensuite un compte-rendu ou une fiche de lecture.


  • BIBLIOGRAPHIE

  • Cours 1-INTRODUCTION

  • COURS 2

    • Activité

       Les textes1 et 2 ont pour sujet la justification de la conquête et de la colonisation françaises

      -Relevez les indices textuels qui le montrent

      -Que constatez-vous ?

       TEXTE   1

       En serait-il ce que vous dites, je crois que notre nouvelle conquête est chose utile et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va retrouver un peuple dans la nuit. Nous les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit, je ne chante qu’hosanna. Vous pensez autrement que moi, c’est tout simple. Vous parlez en soldat, en homme d’action. Moi je parle en philosophe et en penseur.

      Supposez que les peuples d’Europe au lieu de se défier les uns les autres, de se jalouser, de se haïr se fussent aimer ; supposez qu’ils se fussent dit qu’avant même d’être Français, ou Anglais, ou Allemand on est homme, et que si les nations sont des patries, l’humanité est une famille ; et maintenant, cette somme de cent vingt-huit milliards, si follement et si vainement dépensés par la défiance, faites-la dépenser par la confiance ! ces cent vingt-huit milliards donnés à la haine, donnez-les à l’harmonie ! (…) Donnez-les au travail, à l’intelligence, à l’industrie, au commerce, à la navigation, à l’agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. La face du monde serait changée ! Les isthmes seraient coupés ; les fleuves creusés, les montagnes percées (…) On bâtirait des villes là où il n’y a encore que des solitudes ; on creuserait des ports là où il n’y a encore que des écueils ; l’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme ; la richesse jaillirait de toutes parts de toutes veines du globe sous le travail de tous les hommes, et la misère s’évanouirait ! Et savez-vous ce qui s’évanouirait avec la misère ? Les révolutions. Oui la face du monde serait changée ! Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement dans l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie.

      La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est, certes, pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre côté toute la barbarie. Le moment est venu de dire au groupe illustre des nations : Unissez-vous ! Allez au Sud. Est-ce que vous ne voyez pas ce barrage ? Il est là, devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce monceau inerte et passif qui depuis six mille ans fait obstacle à la marche universelle. Ce monstrueux Cham qui arrête Sem par son énormité, l’Afrique. Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie même a son histoire, qui date de son commencement dans la mémoire humaine ; l’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touché pour la supprimer ; et quand elle s’est crue délivrée de l’Afrique, Rome a jeté sur cette morte immense une de ces épithètes qui ne se traduisent pas : Africa portentosa. C’est plus et moins que le prodige. C’est ce qui est absolu dans l’horreur. Le flamboiement  tropical en effet, c’est l’Afrique. Il semble que voir l’Afrique, ce soit être aveuglé. Un excès de soleil et un excès de nuit. Eh bien cet effroi va disparaître.

      Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique : la France la tient par l’Ouest et par le Nord, l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal (…) Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte, c’est la sauvagerie, mais elle ne se dérobe plus. (…) Au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire une Afrique nouvelles, rendre la vieille  Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra.

      Allez, Peuples, emparez-vous de cette terre. Prenez-la. A qui ? à personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apporter la concorde. Prenez-la non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête mais pour la fraternité. Versez votre trop plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires ; allez, faites ! faites des routes, faites des ports, faites des villes, croissez, cultivez, multipliez ; et que sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté.

       : Premiers textes maghrébins

                                               Victor Hugo Victor Hugo, Discours du Congrès de la paix, 21 août 1849

       

       

      TEXTE 2

       Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller sous l’Empire à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. […]

      Messieurs, il y a là des considérations qui méritent toute l’attention des patriotes. Les conditions de la guerre maritime sont profondément modifiées.

      À l’heure qu’il est, vous savez qu’un navire de guerre ne peut pas porter, si parfaite que soit son organisation, plus de quatorze jours de charbon, et qu’un navire qui n’a plus de charbon est une épave sur la surface des mers, abandonnée au premier occupant. D’où la nécessité d’avoir sur les mers des rades d’approvisionnement, des abris, des ports de défense et de ravitaillement. Et c’est pour cela qu’il nous fallait la Tunisie ; c’est pour cela qu’il nous fallait Saïgon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar, et que nous sommes à Diégo-Suarez et à Vohémar, et que nous ne les quitterons jamais !… Messieurs, dans l’Europe telle qu’elle est faite, dans cette concurrence de tant de rivaux que nous voyons grandir autour de nous, les uns par les perfectionnements militaires ou maritimes ; les autres par le développement prodigieux d’une population incessamment croissante ; dans une Europe, ou plutôt dans un univers ainsi fait, la politique de recueillement ou l’abstention, c’est tout simplement le grand chemin de la décadence ! Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent.

      Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c’est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième.

      Le parti républicain a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui de nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine ; qu’il faut autre chose à la France : qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre ; qu’elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient, qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie.

       

       

                                    Source : Journal Officiel, Débats parlementaires, discours de Jules Ferry, 28 juillet 1885


  • Cours 3

    • 1-       Le Maghreb, objet du discours littéraire colonial 

      Dès les premiers temps de la conquête (particulièrement en Algérie), le maghrébin fut l’objet du discours du colonisateur au sein duquel les textes s’inscrivait dans la dichotomie : colonisateur vs colonisé. Ce sont ces deux pôles antagonistes qui ont conditionné l’écriture des français au Maghreb.

      En Algérie surtout, plusieurs tendances littéraires se succèdent :

      D’abord la littérature des missionnaires suivie par le courant exotique et le courant Algérianiste et enfin celle de l’école d’Alger. Des voyageurs, des auteurs français étrangers ont visité le Maghreb, certains se sont installés. Leur production littéraire est riche en renseignements. L’une de ses caractéristiques principales est le regard exotique des écrivains.


    • Texte : Le Sang des Races (1899)

      Louis Bertrand (1866-1941)

       

      On bâtissait l’Algérie moderne.

      La fièvre de la construction qui dure encore, commençait à répandre dans les faubourgs tout un peuple bariolé de travailleurs.  On édifiait les voûtes du port et le boulevard de l’impératrice. Les rues d’Isly et de Constantine s’ébauchaient, entraînant, comme deux grands canaux, le flot montant des populations neuves vers les plages et les ravins fleuris de Mustapha. Du côté des carrières de Bab-El-Oued, c’était un mouvement perpétuel de lourdes galères, chargés de matériaux. Les cris des charretiers s’élevaient sans cesse, en inflexions rudes ou longuement modulées, au milieu du claquement des fouets et des poussières aveuglantes  soulevées des ornières de la route par les pieds des bêtes et des hommes […]

       

      Suivant un des lacets qui vont aux carrières, trois casseurs de pierre descendaient vers le faubourg. Alertes, légers dans leurs espadrilles et leurs pantalons de toile collante, ils semblaient ne pas sentir la brûlure de l’air, ni les poussières qui s’élevaient, et qui rendues caustiques par les urines des mulets, picotait leurs visages et enflammaient leurs paupières.

      Derrière eux, d’autres groupes apparurent, puis bientôt toute une procession d’hommes se déroula au flanc de la montagne. Des cris se répandirent, des feux de cigarette se propagèrent d’une bande à l’autre […]

       

      Il ya des hommes de toutes les nations, des terrassiers Piémontais, les plus bruyants de tous, avec leurs faces roses de Gaulois aux longues moustaches blondes et leurs yeux bleus. Ils étalaient de grandes bottes et des pantalons de velours aussi larges que des jupes, à côté de cotte de toile bleue des charpentiers marseillais. Par-ci, par-là, éclataient des tailloles multicolores des petits charretiers de la Camargue et de la vallée du Rhône, qui gesticulaient entre les épaules des Piémontais. Tous se comprenaient, s’excitaient, s’enivraient de leurs propos, que les Piémontais martelaient de rudes accents toniques.

       

       

       

      (Support 2)

       

       

      Texte : Une année dans le Sahel (1858)

       

      On voit s’ouvrir discrètement les quartiers recueillis du vieux d’Alger, et monter des rues bizarres comme autant d’escaliers mystérieux qui conduisaient au silence. Tout d’abord, on aperçoit du peuple arabe les meilleurs côtés, les plus beaux, ceux qui font précisément contraste avec notre état social. Ce peuple a pour lui un privilège  unique, et qui malgré tout le grandit : c’est qu’il échappe au ridicule. Il est indigent, il est sordide sans trivialité. Sa malpropreté touche au grandiose […] il est grave, il est violent : jamais il n’est ni bête ni grossier. Toujours pittoresque dans le bon sens du mot. Il est effréné dans ses mœurs, mais il n’a pas de cabarets, ce qui purge au moins ses débauches de l’odeur du vain. Il sait se taire, autre qualité que nous n’avons pas […] il a la  dignité naturelle du corps, le sérieux du langage, la solennité du statut, le courage absolu dans sa dévotion. Il est sauvage, inculte, ignorant.

       

      Tous ces attributs, il les garde […] avec une force de résistance ou d’inertie […] quoiqu’il ait toutes les raisons possibles d’être police malgré lui-même […] Il a tout retenu comme au premier jour , ses usages, ses superstitions, ses costumes et la mise en scène à peu près complète de cette existence opiniâtre dans la religion du passé. On pourra le déposséder entièrement, l’expulser de son dernier refuge, sans obtenir de lui quoi que ce soit qui ressemble à l’abandon de lui-même. On l’anéantira plutôt que de le faire abdiquer. Je le répète, il disparaîtra avant de se mêler à nous.

       

      En attendant, cerné de toutes parts, serré de près, j’allais dire étranglé, par une colonie envahissante, par des casernes et corps de grade dont il n’a d’ailleurs qu’un vague souci, mais éloigné volontairement du cours réel des choses, et rebelles à tout progrès, indifférent même aux destinées qu’on lui prépare, aussi libre néanmoins que peut l’être un peuple exproprié, sans commerce, presque sans industrie, il subsiste en vertu de son immobilité même et dans un état voisin de la ruine, sans qu’on puisse imaginer s’il désespère où s’il attend.


  • Cours 4

    • 2- Une littérature authentiquement maghrébine 

       

      Après la littérature du métropolitain, suivi par celle des colons, s’impose dans l’espace littéraire algérien une toute  nouvelle littérature : celle des colonisés. Cette dernière ne restera pas indifférente car interpelée par les écrits du colonisateur. Une littérature propulsée surtout par un autre nouveau mouvement idéologique et littéraire : L’Ecole d’Alger à partir de 1935. Une Ecole qui apporte sa propre vision du monde et du roman affichant ouvertement sa volonté de contrarier l’Algérianisme en s’installant dans une corrélation polémique de distanciation. Ecole ayant servit de chambre d’écho à la dénonciation de l’injustice coloniale. C’est dans cette mouvance que se situent par exemple Albert Camus, Jules Roy ou Emmanuel Roblès. Auteurs liés à l’essor et au développement des idées humanistes en France[1]  et qui prônent la paix, la non – violence, l’entente  des peuples et la tolérance. La perception de l’Algérie est radicalement nouvelle et rénovée : Les Algérianistes revendiquent haut et fort la terre des ancêtres dans sa pureté religieuse et ethnique alors que l’Ecole d’Alger réclame un dialogue souple des peuples en présence et ouvre son espace à l’expression de l’autochtone dans un cadre régional. C’est ainsi que dans des revues[2] surtout après 1945, des noms musulmans (Lacheraf – Kateb Yacine – Mohammed Dib – Mouloud Feraoun) côtoient ceux des européens.

      « L’Ecole d’Alger… Il s’agit d’un groupe d’écrivains […] dont les noms les plus connus sont sans contexte ceux d’Albert Camus, d’Emmanuel Roblès et de Jean Pellegri, et dont le principal éditeur fut Charlot. L’Ecole d’Alger se démarqua, de 1935 à 1955 environ, du mythe d’une Méditerranée latine développé par Louis Bertrand puis les Algérianistes vont mettre en avant au contraire une Méditerranée plus complexe et ambiguë du métissage : celle d’Ulysse pour Audisio, celle plus inquiétante déjà de Jugurtha de Jean Amrouche. »[3]



      [1] Cette école s’oppose  au mouvement nationaliste xénophobe et extrémiste.

      [2] A titre d’illustration : Rivage 1938 – Fontaine 1939 – Arche 1944 - Forge 1946 – Soleil 1949 – Simoun 1952

      [3] CharlesBonn, Littérature Francophone. Tome 1. Ouvrage collectif sous la direction de Charles bonn et Xavier Garnier, 1997, pp. 185-210


    • Faites une analyse linéaire du texte  en suivant les étapes suivantes:

      1- Identifier le texte et situer dans son contexte (préciser le sujet– présenter l’auteur, quand le texte a-t-il été rédigé ? De quoi le texte parle-t-il ? Quel est son objectif ? Quelles sont vos premières impressions à sa lecture ?)

      2- Préciser de quel  type de texte s’agit-il ?

      *la situation d’énonciation (qui parle à qui ? quand ? où ? comment ?

      *Le système d’énonciation (discours/récit)

      *Les marques d’énonciation (le champ lexical dominant – les pronoms et les temps verbaux employés – la structure des phrases et la présence des figures de styles)

      *Le point de vue du narrateur (ou focalisation).



      Texte

       

                    Des femmes voilées, lentement, s’avancent au son des flûtes de roseau. A petit pas, elles cheminent ; statuettes drapées de robe aux longs plis, les yeux baissés, elles élèvent leurs doigts légers semblant mimer le battement d’ailes. (…) Les danseuses suivent l’inspiration que fait naître en elle l’heure présente, où la nature appelle tout à la vie, le chef qui regarde, l’hôte, fier cavalier que toutes les femmes admirent, l’homme tendrement aimé. Elles dansent, et, pour une fois, extériorisent leur âme assoiffée de confidences. Les yeux mi-clos, le visage calme, toutes les passions en elles gémissent ou chantent par la seule et divine harmonie du geste.

                    Les musiciens accélèrent le rythme et le rompant brusquement sur une note longue et plaintive, qui reste longtemps vibrante et trouble les amours mystiques du silence et de la nuit. (…)

      — Que préfères-tu maintenant ? la danse devant Dieu, celle des mains, celle du sabre, celle des voiles ou encore celle du guerrier ?

      — Celle de l’homme de poudre !

      Ben Mostapha fait signe aux assistant de passer derrière les tentes et de laisser le champ libre. Deux ombres s’approchent, se profilant sur les étoiles si basses qu’on dirait les feux de quelque douar dispersé dans le lointain sombre. L’homme, le visage à demi voilé, caresses d’un air triomphant  son long moukala (fusil), une femme au pas léger le suit. Lui, fier, tourne autour de sa conquête. La danseuse, renversée, les yeux fermés, les dents luisantes, semble pâmée sous l’ardent désir. L’homme veut l’étreindre, mais la tentatrice souple se dérobe ; seul, glisse entre les doigts tendus du guerrier un envol de parfum qui le grise.

                    Etourdi un instant, il se redresse grandi, farouche, et s’éloigne le regard en arrière. La femme revient, les bras ouverts, obsédante. Séduit à nouveau, l’homme lance dans l’air, où vibre la note aiguë des flûtes, son fusil en signe d’allégresse.

      Côte à côte, maintenant, têtes penchées, bras enlacés, pour eux, l’heure de l’amour semble venue, mais l’inconstante dénoue l’étreinte et recommence l’éternelle comédie. L’homme, cette fois, les traits altérés, arme son fusil, un éclat jaillit, la poudre a parlé.

      Semblable à un fantôme, la danseuse a fui. Il a tué son rêve et, à sa poursuite, court dans la nuit.

       

      Mohamed BEN SI AHMED BENCHERIF, Ahmed Ben Mostapha, goumier. 1920


  • Cours 5

  • Cours 6

  • Cours 7

    • Après la tendance d’une littérature maghrébine d’expression française ancrée dans le ressourcement culturel, cette dernière va déboucher sur l’apparition d’une littérature engagée, accompagnant le combat pour l’indépendance. Dès lors, un courant nationaliste et révolté a irrigué l’inspiration littéraire des pays du Maghreb, tant dans le genre de l’essai que dans le roman, le drame ou la poésie.


    • ·        Nedjma : Un roman moderne

      Nedjma de Kateb Yacine n’est pas un roman qui répond aux normes traditionnelles.[1] Dans leurs « avertissements », les éditeurs (Editions Seuil – 1956) mettent en garde les lecteurs à propos des particularités du roman qu’ils présentent. Tout lecteur qui s’apprête à lire Nedjma est d’emblé avisé à affronter moult difficultés.



      [1] Dans le roman traditionnel, l’auteur présente l’histoire soit à la première personne, soit à la troisième personne. Du début jusqu’à la fin du roman, le point de vue ne change pas ; l’intrigue se déroule de façon cohérente, dans la même perspective jusqu’à la fin. Dans cette perspective permanente, l’écrivain se comporte comme un observateur omniscient. Dans cette conception du roman, on offre au lecteur une place privilégiée de laquelle il peut aisément observer ce que l’écrivain veut lui montrer. L’intrigue dans de tels romans, est relativement simple, les diiférents épisodes sont clairement décrits et l’angle de vision délimité.


  • Cours 8

    • Avec Nedjma, Kateb Yacine inscrit son écriture dans la mouvance du changement fondamental qui se produisait dans l’art du roman au commencement du 20e siècle. Une époque où les romanciers se mettent à la recherche et à la création de nouvelles formes d’art. De nouvelles techniques romanesques sont introduites par ces écrivains qui ont créé des œuvres se caractérisant par plusieurs traits communs : une structure discontinue, de fréquents glissements dans le temps, des renversements dans les points de vue provoquant des successions désordonnées de scènes et des intrigues incohérentes.

      Nedjma présente amplement ces principales caractéristiques.


  • Cours 9

    • I/ Littérature de transgression – Littérature de dénonciation

       

      Les indépendances des pays du Maghreb, dont des critiques et des écrivains comme J. Déjeux et A. Memmi, pensaient qu'elles mettraient un terme à l'expression littéraire en langue française, la voient perdurer.

      En Algérie, les expressions littéraires s’effacent durant les premières années d’indépendance. Ne demeurent plus que quelques échos poétiques empreintes de désespoir.


  • Cours 10

    • Tout conquérant, une fois installé dans un pays, opte à modeler le peuple de ce dernier à son image, surtout s’il s y implante avec une langue de civilisation et de prestige (presse +vaste littérature). Tout peuple soumis désire connaître la langue du conquérant. On s’en empare pour l’utiliser avec profit ? Par amour des belles lettres ? Ou à cause de ses prestiges ?


    • Cherchez 3 citations d’auteurs maghrébins francophones contemporains (de nationalités
      différentes).
      -Les propos des citations doivent être au sujet du choix de la langue française comme langue
      d’écriture
      Consigne : Expliquez comment ces auteurs ont justifié leurs ce choix

  • Cours 11

    • I / Algérie

       

                  Après les deux générations littéraires, celle des fondateurs durant la période coloniale et celle du désenchantement et de la rupture, la littérature algérienne de langue française s’affirme à travers un courant littéraire animé par une troisième génération  qui  lui redonne un nouveau souffle durant une période des plus critiques qu’a connu le pays. Il s’agit des deux dernières décennies (1990 et 2000) qui, paradoxalement, ont connu une grande profusion romanesque.

       

                  Il est indispensable de mettre la lumière sur une écriture dictée par des circonstances exceptionnelles, et essayer de détecter les affinités et les différences significatives entre les textes dit « de l’urgence » au cours des années quatre-vingt dix, et ceux qui leur ont succédé, de « l’après-urgence », depuis les années deux mille jusqu’à nos jours.


  • Cours 12

    • Bon nombre de nouvelles voix[1], ayant investi le champ de la littérature algérienne pendant les deux dernières décennies, en produisant un corpus littéraire aussi considérable que varié. Un corpus qui s’inscrit dans la perspective de la continuité et de l’évolution romanesque algérienne. La diversité des œuvres de la nouvelle génération affirme l’unité d’une littérature contemporaine liée à l’évolution sociopolitique et religieuse de l’Algérie. Et de là, l’abondance et la diversité qui s’impose dans  le paysage littéraire algérien se conjugue avec une production de textes dynamique et évolutive.

       



      [1] A ce propos, dans, Dictionnaire des écrivains algériens de langue française 1990-2010, Alger, Chihab, 2014, p.8,  Amina Azza Bekkat affirme « Au terme de ce projet, nous avons inventorié plus de 60 auteurs, mais la liste n’est pas exhaustive car en l’absence de références complètes trouvées auprès des maisons d’édition, nous avons fonctionné de façon un peu aléatoire, en cherchant dans les librairies et en dépouillant les articles dans les journaux qui mentionnent et commentent les parutions nouvelles. »


    • Ce livre est la version remaniée d'une thèse de doctorat soutenue le 4 décembre 2015 à l'EHESS (sociologie et science du littéraire) : Une guerre des langues ? Le champ littéraire algérien pendant la décennie noire (1988-2003). Crise politique et consécrations transnationales. Ma profonde gratitude va à Gisèle Sapiro pour la manière exceptionnelle dont elle l'a dirigée. Je renouvelle mes remerciements à mon jury : Zineb Ali Benali, Isabelle Charpentier, Dominique Combe, Laurent Jeanpierre, et Richard Jacquemond.

  • Cours 13

  • Cours 14

    • On fixe généralement l’origine des premières œuvres de la littérature maghrébine de langue française aux auteurs ayant émergé durant les années 50. Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Driss Chraibi et Albert Memmi. Cependant, on omet très souvent de signaler que des femmes ont bel et bien pris la plume avant cette date et ont fait œuvre de romancières. Citons parmi tant d’autres l’Italo-Marocaine Elisa Chimenti (1883-1969) et les algériennes Elissa Rhais, pseudonyme de Rosine Boumendil (1876-1940), Marie-Louise Taos Amrouche (1913-1976) et Djamila Debèche (1926). Toutes sont représentatives d’une littérature féminine maghrébine dont les premières manifestations[1] ont eu lieu à partir de 1920.



      [1] *Elisa Chimenti : Èves marocaines 1935 – Chants des femmes arabes 1942 – Au cœur du harem 1957 – Le sortilège et autres contes 1964.

        *Elissa Rhais : Saâda la marocaine 1919 – La fille des Pachas 1922

        *Marie-Louise Taos Amrouche : Jacinthe noire 1947 – Rue des tambourins 1960 – L’Amant imaginaire 1969 – Le grain magique 1966

        *Djamila Debèche : Leila, jeune fille d’Algérie 1947